Covid Catalogne. Sergio Alonso est professeur et chercheur à l’Université Polytechnique de Barcelone. Il fait partie du BIOCOMSC, le groupe de chercheurs qui publie quotidiennement les rapports et projections sur la situation sanitaire utilisés par la Catalogne. Interview.
La batterie de restrictions actuellement en vigueur en Catalogne comme la fermeture des restaurants, bars, salons de beauté, salles de sport, cinémas et théâtres, prennent légalement fin ce vendredi. La ministre catalane de la Santé Alba Vergès a laissé sous-entendre qu’elles seraient prolongées. Mais à quelques assouplissements peut-on s’attendre ce vendredi ?
Notre rôle au sein du BIOCOMSC est d’examiner les statistiques quotidiennes. Nous ne prenons pas la décision de décréter ou non des restrictions, c’est le rôle du ministère de la Santé. Cependant au regard des chiffres actuels, je serais extrêmement surpris que les restrictions soient levées, même partiellement. Je pense qu’elles seront reconduites dans leur totalité. Certes, le taux de reproduction est bon car il est actuellement à 0,92. Cependant le taux d’incidence est extrêmement élevé. Il y a des milliers de personnes contaminées en Catalogne, et si les restrictions étaient levées, la propagation du Covid serait extrêmement forte. Les restrictions empêchent qu’il y ait des morts dans les rues suite à une saturation du système sanitaire. Nous ne pouvons pas vaincre l’épidémie, mais nous devons la contrôler. Je pense que pour cela, les actuelles restrictions resteront en vigueur encore un mois avant d’entamer une très progressive réouverture des secteurs fermés.
Y a-t-il des secteurs qui doivent rouvrir en priorité comme la culture qui est d’utilité publique ou les salles de sports car c’est aussi important pour la santé de maintenir une activité physique?
Ce n’est pas aller faire du sport ou regarder un film dans un cinéma qui en soi pose problème. C’est l’activité sociale qu’il y autour. Si on va voir un film, on va discuter avant ou après sa projection. Si on va faire du sport, on va croiser des gens, on va discuter autour du distributeur à boissons. Nous sommes conscients des efforts qu’ont fait les salles de sport, les théâtres et les cinémas pour rendre plus sûrs leurs établissements. Mais le problème n’est pas ici : le problème est qu’il faut réduire au maximum la vie sociale.
Donc les restrictions peuvent durer des mois, car le problème sera toujours le même au moment de lever les interdictions.
Non. Quand les chiffres de contagions seront plus bas, nous pourrons rouvrir progressivement les différents secteurs et grâce aux dépistages effectués par les CAP (urgences catalanes) nous saurons d’où viennent les contaminations. Aujourd’hui nous ne le savons pas. Et si nous levons les restrictions demain, les CAP seront saturés et nous ne saurons toujours pas d’où viennent les cas. C’est pour cela qu’il faudra rouvrir quand la courbe sera au plus bas.
Concernant le confinement périmétrique, peut-on s’attendre à un assouplissement?
Nous venons d’analyser les chiffres du week-end et l’interdiction de sortir de Barcelone produit d’excellents résultats. Ici aussi le problème n’est pas d’aller prendre l’air à la montagne ou en forêt. Mais lorsque l’on effectue ce type de sorties, on interagit avec d’autres personnes. On parle fort, le risque de contagion est là. D’autant plus que lorsque l’on se détend dans des loisirs on a tendance à relâcher les gestes barrières. Pour le moment, c’est mieux que chacun reste dans son quartier.
Le couvre-feu doit-il rester actif pendant la période des fêtes ? La nuit du réveillon de Nouvel An à Barcelone est en général très prisée par les touristes français.
Je ne pense pas que le couvre-feu soit levé durant une nuit aussi dangereuse sanitairement parlant comme l’est le Nouvel An. Ceci étant dit, il reste encore du temps d’ici la fin du mois de décembre et les chiffres devront être analysés. Mais tout le monde doit comprendre que le Nouvel An à Barcelone ne ressemblera en rien à celui des autres années.
Pour le moment la Catalogne échappe au confinement à domicile contrairement à la France. A-t-on mieux fait les choses ici ?
La Catalogne est habituée aux rechutes depuis le mois de juillet. Nous avons eu les problèmes de Lleida, puis la hausse des cas sur Barcelone durant l’été. Nous avons donc pris des mesures très progressives. La France a vécu une explosion des cas et a dû prendre des mesures drastiques quasiment du jour au lendemain. Elle est passée du tout ou rien. Par ailleurs, il semblerait que la société catalane soit plus consciente du danger sanitaire que la société française.