Barcelone, Madrid, Leon, Burgos (Castilla y León,) Santander (Cantabrie) , Séville (Andalousie), Logroño (La Rioja) ont été le théâtre ce week-end d’émeutes. L’Espagne est-elle aux portes d’une grande Jacquerie ? Éléments de réponse.
Policiers attaqués sur la Via Laietana vendredi soir, mairie de Barcelone vandalisée samedi soir. 60 personnes en garde à vue à Madrid. Batailles urbaines dans des zones rurales et tranquilles. Le bilan des émeutes du week-end est lourd. Et les acteurs sont nombreux. Le plus médiatique est le parti d’extrême-droite Vox qui a félicité et encouragé les émeutiers. La lecture de la droite radicale est simple. Les altercations dans la rue sont la traduction directe de la motion de censure déposée par Vox, et débattue devant toutes les télés espagnoles la semaine dernière, pour faire tomber le gouvernement.
Dans l’éternel jeu des vases communicants, le vice-président du gouvernement espagnol et chef de la gauche radicale Podemos a rapidement pointé du doigt l’extrême-droite comme auteur des violences. Pourtant, il suffit d’aller sur le terrain pour constater que la foule est hétéroclite, comme l’a d’ailleurs fait remarquer l’adjoint au maire en charge de la sécurité de Barcelone Albert Batlle. Les habituels casseurs issus de milieux anarchistes étaient aussi en première ligne samedi soir à Barcelone pour vandaliser le bâtiment de la mairie tandis que d’habituels délinquants, comme on le voit clairement sur les images qui ont circulé ce week-end, sont les principaux auteurs des saccages et pillages de boutiques.
Extrême-droite, extrême-gauche, délinquance paraissent être le triptyque des ces émeutes, assez loin de la protestation contre les mesures de restrictions de lutte contre le Covid. Sommes-nous donc dans un épiphénomène sans lendemain ?
Absolument pas. La grogne sociale est là. Les secteurs fermés de façons plus ou moins aléatoires sont aujourd’hui légions : boîte de nuits, restaurants, bars, cafés, événementiel, salles de sport, salons de beauté, cinémas, théâtres. Autant on comprend aisément la fermeture des discothèques. Le cocktail de nuits blanches et d’alcool cassent les gestes barrières aussi vite qu’un BPM techno.
En revanche, le gouvernement catalan a le plus grand mal à expliquer la fermeture d’endroits très sécurisés comme le sont les instituts de beauté ou les salles de sport. Beaucoup de ces établissements ont d’ailleurs lourdement investi dans le matériel de protection pour le personnel et les usagers ainsi que dans les protocoles de désinfection afin de respecter une hygiène digne des cabinets médicaux. Le lien entre foyers de contamination et le peu de Catalans qui allaient encore au cinéma ou au théâtre n’a toujours pas été démontré.
Le ras-le bol des commerçants
Le gouvernement catalan, dont les membres issus du secteur privé sont quasiment inexistants, prend des mesures inflammables. Pour le moment, la Generalitat n’a pris en compte aucun des plans alternatifs proposés par les secteurs concernés. Pourtant il existait encore des marges de manœuvre avant de décréter la fermeture des établissements. Imposer les prises de températures dans les gymnases, réduire la capacité d’accueil ou uniquement les terrasses des restaurants par exemple. Un certains mépris de l’administration qui n’est pas sans rappeler le personnage caricatural de Jacques Bonhomme, figure anonyme du vilain au 14e siècle en France.
Une coupure entre les élites et les paysans qui s’est terminée par des révoltes paysannes massives. Que va faire un restaurateur s’il comprend qu’il peut rester fermé six mois et qu’il n’aura d’autres solutions que de mettre la clé sous la porte? « Je ne pense pas que cela va se calmer. Je n’approuve pas les violences, mais je peux les comprendre. Moi-même j’en ai vraiment marre et j’ai payé le prix fort de cette crise comme chef d’entreprise » confie à Equinox, Jean-Christophe Burgy. Ce Français était propriétaire depuis trois ans de l’Agust Gastro Bar, carrer Parlament de Barcelone et a dû fermer faute de revenus.
Le syndicat de l’Union fédérale de Police est du même avis. « Les émeutes vont aller crescendo à mesure que va empirer la crise économique et que vont se durcir les limitations de circulation des personnes » a-t-il indiqué ce week-end dans un communiqué.
Le point américain
Comme souvent, le présent des Etats-Unis est un facteur essentiel pour comprendre le futur de l’Europe. Vox copie ouvertement le discours négationniste de Donald Trump sur le Covid19. D’aucuns pensent qu’une défaite du milliardaire ce mardi pourrait être une solution. Rien de moins sûr. Les Trumpistes sont chauffés à blanc contre les restrictions, couvre-feux et autres confinements.
Si Trump perd la présidence et que Biden met en place des mesures plus sévères que son prédécesseur pour limiter la circulation des personnes, la réponses du noyau dur (et armé) des Trumpistes risque d’enflammer les rues américaines. Et mettre de l’huile sur le feu en Europe.