Daniel López Codina est chercheur à l’Université Polytechnique de Catalogne. Depuis le printemps dernier, il fait partie du groupe de recherche catalan sur le Covid19. Interview.
Avec les nouvelles restrictions décrétées par le gouvernement catalan depuis hier vendredi, la situation va-t-elle s’améliorer ou se dirige-t-on vers un confinement total à domicile ?
Le confinement à domicile doit être la mesure à utiliser en ultime recours. On note actuellement un début de décélération de la propagation du virus en Catalogne. On peut penser que ce sont les premiers résultats de la fermeture des bars et restaurants il y a une quinzaine de jours. Décélération ne veut pas dire que les chiffres ne sont pas graves, ça signifie que le virus continue de se répandre au sein de la population, mais de manière moins rapide.
Dans une dizaine de jours, nous pourrons analyser les résultats de la mise en place du couvre feu et ensuite ceux de la réduction de l’activité sociale grâce au confinement périmétrique et de la fermeture de nombreux établissements comme les cinémas, les salles de sports, théâtres et grandes surfaces.
Il est encore possible d’éviter le confinement à domicile en Catalogne à condition que les chiffres quotidiens d’incidence baissent. Pour le moment, nous n’en savons rien, il est encore trop tôt pour le savoir.
Par ailleurs, je tiens à signaler que la France a été très courageuse de décréter un second confinement total. Il faudra le même courage en Catalogne et en Espagne pour reconfiner à domicile si la situation l’exige.
Si les mesures de restrictions précédemment évoquées fonctionnent, cela veut dire qu’elles devront rester en vigueur tout l’automne, l’hiver et une partie du printemps ?
Non, pas forcément. Nous ne devrons pas répéter les erreurs du précédent déconfinement en se relâchant trop vite. La levée des actuelles restrictions devra se faire extrêmement lentement.
Ce qui signifie que les bars, restaurants, gymnases, cinémas et théâtres ne rouvriront pas dans 15 jours.
Absolument, cela devra prendre beaucoup plus de temps.
En France, les collaborateurs d’Emmanuel Macron ont expliqué que le couvre-feu était une erreur car les citoyens se sont adaptés aux horaires pour continuer une vie sociale. Des proches du président ont regretté que cette mesure ait fait perdre 15 jours.
Bien sûr que le couvre-feu n’est pas la solution, mais uniquement une pièce parmi d’autres pour tenter de contenir l’épidémie. C’est pour cela que la Generalitat a adopté une batterie de restrictions, car le couvre-feu seul est insuffisant. Par ailleurs, il est clair que la plupart des contacts sociaux ne se font pas la nuit, mais le couvre-feu au moins empêche les « botellones » (NDLR : Rassemblements festifs illégaux pour consommer de l’alcool en groupe sur la voie publique).
Le gouvernement catalan a-t-il perdu le contrôle de l’épidémie ?
Oui. Comme la plupart des pays européens. La France, l’Italie ou l’Allemagne.
Ce soir, samedi 31 octobre, c’est la Castanyada. Une grande fête où les familles catalanes se retrouvent pour un réveillon. Sans confinement à domicile, n’avez-vous pas peur que cela provoque de nouveaux foyers épidémiques?
Oui, je le crains car nous sommes une culture qui aime les contacts humains et j’espère que les citoyens seront responsables. Les mesures de la Generalitat sont claires : pas plus de 6 personnes par foyer et en respectant les gestes barrières. Les fêtes sont les moments les plus à risque pour la transmission du virus, il ne faut surtout pas l’oublier. Si l’on revient à la situation épidémiologique du mois de mars, ça sera un terrible échec de responsabilité sociale.
Il n’y a pas que les fêtes, les transports en commun sont bondés de monde chaque jour.
Bien sûr. Le télétravail doit devenir obligatoire sauf pour les entreprises qui ne peuvent pas faire autrement. C’est une demande qu’a fait officiellement le groupe de recherche contre le Covid en Catalogne.