Coronavirus Catalogne. Daniel López Codina, chercheur à l’Université Polytechnique de Catalogne et membre du groupe de recherche sur le Covid19, réagit sur les nouvelles mesures de restrictions qui frappent la Catalogne.
Chaque ville ou pays met en place une stratégie différente pour lutter contre le Covid. A Madrid, on peut aller au restaurant ou dans un bar mais il n’est possible ni d’entrer ni de sortir de la ville. En Catalogne, tous les lieux de rencontres sociales seront fermés à partir de demain. La France met en place un couvre-feu dans les grandes villes. Pourquoi tant de mesures différentes et lesquelles sont les plus efficaces ?
Ce qu’il se passe en France est fantastique, le couvre-feu est une bonne mesure que la Catalogne aurait pu appliquer. Si nous comparons les restrictions, elles sont plus dures en France qu’en Catalogne. En ce moment, plus dures sont les mesures, mieux c’est pour l’efficacité. Il faut aller dans ce sens pour éviter le confinement. Quand à Madrid, les mesures auraient dû être prises beaucoup plus tôt. Il y a une forte augmentation des cas positifs à Madrid, en France et en Catalogne. Si nous ne prenons pas des mesures fermes, nous allons droit vers la saturation hospitalière.
La fermeture des instituts de beauté va-t-elle réellement avoir une incidence sur la propagation du Covid ?
Il ne faut rendre coupable aucun secteur. Ce n’est pas une activité en particulier, comme les salons de beauté, qui propage le Covid. C’est l’accumulation de tous les contacts sociaux dans différents secteurs. Ceci étant dit, les centres d’esthétique touchent le corps des gens et ajoutent ainsi, à leur échelle, des interactions sociales supplémentaires.
Nous avons quand même l’impression d’un « deux poids deux mesures ». D’un côté le petit bar de quartier va devoir fermer, tandis que les grandes surfaces très fréquentées peuvent rester ouvertes.
Je ne suis pas d’accord avec cette question car les centres commerciaux sont aussi soumis à des restrictions. La capacité ne peut pas dépasser les 30%. On ne peut pas empêcher les gens d’acheter des produits alimentaires. Sur les autres boutiques, oui peut-être on aurait dû aussi les fermer. Quoiqu’il en soit, la restriction de la capacité d’accueil doit être respectée, et le consommateur doit se montrer responsable.
Les pressions mises sur les restaurants, bars et centres d’esthétique peuvent aussi se convertir en un thème de santé. Face à l’agonie financière, les patrons d’établissements ou leurs employés peuvent développer des troubles de l’anxiété par exemple. Ce facteur est-il assez pris en compte ?
Le problème sanitaire auquel nous faisons face ne se résume pas au Covid. Il concerne l’intégralité du système de soins. Si nous saturons les urgences et les hôpitaux, nous ne pourrons plus soigner les autres maladies. La seule solution sera alors le confinement à domicile. Avec celui-ci, les pathologies que vous évoquez comme le stress, la dépression seront encore pires si nous sommes enfermés entre quatre murs d’ci quelques semaines. Sans parler du choc économique qui lui aussi sera beaucoup plus fort avec un retour au confinement. Nous devons donner tout ce que nous avons pendant les deux semaines à venir. Nous devons faire de grands sacrifices personnels sinon il n’y aura pas d’autre alternative que le confinement total.
Certains secteurs de la population critiquent cette fermeté au nom de la perte des libertés individuelles. Est-ce que vous les comprenez ?
Si l’on veut préserver nos libertés, nous devons faire des sacrifices durant les prochaines semaines. Sinon avec un nouveau confinement, nous perdrons de nouveau l’intégralité de nos libertés. Tout se joue maintenant.
Donc la réouverture des restaurants en Catalogne dans quinze jours parait compliquée ?
En effet, je pense qu’il faudra prolonger un peu plus la fermeture des bars et restaurants. Je n’ai pas de boule de cristal pour savoir combien de temps cela durera. Il faudra examiner les courbes.
Les frontières ne sont pas fermées, donc les touristes peuvent venir en vacances à Barcelone et en Catalogne ?
La frontière France Espagne peut rester ouverte car le taux d’incidence entre les deux pays est le même. Cependant les gens ne voyagent plus car ils ont peur.
Les familles pourront-elles se réunir à Noël ?
Elles devront le faire avec précaution si l’on ne veut pas avoir une nouvelle explosion de contagions en janvier. Il faudra garder la chaleur affective de Noël en maintenant la sécurité. Pas de grande fète, pas de rassemblements, pas de contacts physiques. C’est un défi pour toute la société.
Concernant le vaccin, à partir de quand sera-t-il efficace pour lever les restrictions mises en place depuis mars dernier ?
Ça va prendre du temps. Quand le gouvernement espagnol annonce un vaccin pour la fin de l’année ça me semble une déclaration de bonnes intentions, mais qui reste très peu probable. Premièrement nous ne savons pas quand le vaccin sera prêt. Il faut être prudent, et offrir de grandes garanties de sécurité. Ensuite nous ne savons pas quand les États auront suffisamment de doses pour vacciner toutes les populations à risque. Et enfin nous ne savons pas quelles sont exactement les populations à risque en dehors des personnes âgées ou dépendantes. Il faudra toutes les identifier avant de lever les mesures. « La hâte n’est pas un bon conseiller ».
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