Madrid se rebelle contre le gouvernement espagnol suivant le chemin marqué par la Catalogne depuis près d’une décennie. Les ministres de Podemos (gauche radicale) attaquent avec véhémence le chef de l’Etat, le Roi Felipe VI. Le pouvoir judiciaire attaque à son tour l’exécutif socialo-communiste pour défendre le monarque. Une cacophonie qui rythme la danse macabre d’une pandémie hors de contrôle en Espagne, particulièrement dans la capitale.
La crise institutionnelle de Madrid
La présidente Isabel Diaz, veut l’indépendance de Madrid à la manière d’un Quim Torra. L’exécutif de la région madrilène est le miroir de la Generalitat catalane. A Barcelone, deux partis gouvernementaux rivaux -plutôt de centre-gauche- Esquerra et Junts Per Catalunya, dirigent la Catalogne avec l’appui de l’extrême-gauche de la Cup. A Madrid, le Partido Popular et Ciudadanos, frères ennemis de centre-droit se partagent le pouvoir avec le soutien de l’extrême-droite de Vox.
A Barcelone, le jusqu’ici président Torra est adepte de la terre brûlée avec le gouvernement espagnol, tandis que la vice-présidence tenue par ERC tente d’arrondir les angles. A Madrid la présidente Ayuso (PP) appelle à creuser des tranchées de résistance contre le gouvernement espagnol tandis que la vice-présidence de Ciudadanos tente de construire un pont.
Depuis une décennie, l’indépendantisme catalan dénonce une supposée spoliation fiscale de l’État espagnol en Catalogne. La présidente madrilène explique depuis quelques semaines que le gouvernement socialo-communiste veut imposer un confinement pour couler l’économie de la capitale espagnole. L’ancien Premier ministre conservateur Jose-Maria Aznar, a ajouté de l’huile sur le feu expliquant que le gouvernement veut punir Madrid pour faire plaisir aux indépendantistes catalans. Et Aznar de souligner que le ministre espagnol de la Santé est d’origine catalane. Trump n’aurait pas dit mieux.
Depuis une quinzaine de jours, Ayuso n’a mis en place que quelques timides mesures pour restreindre la circulation des personnes, tandis que Madrid est devenue la capitale européenne du Covid. Le gouvernement espagnol plaide pour un confinement strict.
La crise institutionnelle de Barcelone
Le conflit institutionnel en Catalogne n’est plus un état d’exception mais la nouvelle norme depuis 2011. Depuis cette date, aucune législature n’a pu durer quatre ans, comme le prévoient les textes en vigueur, et toutes ont terminé en catastrophe.
Deux référendum illégaux, une déclaration d’indépendance, une suspension constitutionnelle des institutions catalanes, une dizaine de personnalités politiques en prison et trois présidents poursuivis par la justice sont le bilan des 10 dernières années en Catalogne.
La crise institutionnelle du régime monarchique
La monarchie va mal en Espagne. En grande partie en raison de la corruption systémique du Premier roi de la démocratie espagnole Juan Carlos. L’évasion de ce dernier qui a quitté le pays en juillet a ouvert la boîte de Pandore républicaine. Hier, seuls les gouvernements catalans et basques demandaient l’abolition du régime monarchique. Aujourd’hui, les ministres de la gauche radicale de Podemos réclament ouvertement la transition vers une république espagnole face à un silence de mort du Parti socialiste.
La crise institutionnelle du pouvoir judiciaire
Après le coup d’État militaire franquiste de 1981, le pouvoir politique a effectué une purge pour vider des arcanes de l’Etat les profils les plus extrême-droitiers. Ce travail n’a pas été fait au sein de la justice qui abrite aujourd’hui les personnalités les plus conservatrices de la scène politique.
Depuis l’arrivée de la gauche au pouvoir en 2018, la justice est en embuscade contre le gouvernement. Le Tribunal Suprême, le Conseil Constitutionnel, la Cour des Comptes et la Commission électorale sont détenues par des proches du Partido Popular. Ce dernier bloque avec sa centaine de députés la rénovation des membres de ces institutions qui sont arrivés au terme de leur mandat, certains depuis deux ans. Il faut un consensus de deux tiers du parlement espagnol pour nommer les membres de ces institutions. Le PP bloque au motif que le gouvernement fricote avec les indépendantistes catalans et attaque le roi, et donc aucun accord n’est possible avec un exécutif qualifié d’illégitime par la droite. L’Europe a d’ailleurs aujourd’hui demandé à l’Espagne de régler cette anomalie.
Le président du Conseil supérieur de la magistrature, le très conservateur Carlos Lesmes, et le gouvernement espagnol se sont livrés la semaine dernière à une violente passe d’armes. Le gouvernement espagnol a opposé son veto à la venue du Roi à Barcelone vendredi dernier pour célébrer un acte constitutionnel du Conseil supérieur de la magistrature. Cherchant la complicité politique avec la Generalitat, et à la veille de la destitution du président Torra, le gouvernement n’a pas permis au chef de l’Etat de fouler le sol barcelonais, accomplissant ici une vieille revendication des indépendantistes catalans.