Le gouvernement espagnol souhaite voir s’installer à la présidence de la Catalogne, le très modéré Pere Aragonès pour lier des accords et trouver une sortie de crise au conflit indépendantiste.
Il conviendrait de compléter le titre de cet article avec « le gouvernement espagnol en campagne pour la gauche indépendantiste et contre Carles Puigdemont ».
L’exécutif espagnol ne veut pas que Junts Per Catalunya, le mouvement de Puigdemont remporte les prochaines élections et garde le contrôle de la Generalitat. Frange dure de l’indépendantisme aux accents populistes, Puigdemont a pour projet politique principal de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement socialiste de Pedro Sánchez. Ce dernier a envoyé cette semaine deux messages clairs envers la gauche indépendantiste (ERC), plus malléable et concurrente de Puigdemont.
Le gouvernement espagnol veut la libération des prisonniers catalans
Premièrement, le gouvernement a fait fuiter dans la presse le week-end dernier son intention de réformer le délit de sédition du code pénal espagnol. C’est le chef d’inculpation qui a conduit les leaders indépendantistes en prison. L’argument du gouvernement est que ce délit correspond à une époque où le pays était en guerre et s’applique aux soulèvements armés. Il conviendrait donc aujourd’hui de baisser singulièrement les années de prison. En appliquant la loi de manière rétroactive, les prisonniers du processus indépendantiste pourront retrouver la liberté.
Sans responsables politiques derrière les barreaux, il sera plus facile d’arriver à un accord pour creuser une sortie dans le conflit territorial. C’est le but de la gauche indépendantiste, la mesure est déjà balayée par Puigdemont qui demande une loi d’amnistie annulant le procès.
Deuxièmement, le ministre de la Justice a annoncé mercredi que le gouvernement allait commencer le processus dans les demandes de grâce des prisonniers. Le syndicat UGT a déjà déposé une demande pour l’ancienne ministre du Travail Dolors Bassa. L’ex présidente du Parlement catalan Carme Forcadell a annoncé être intéressée par la mesure. Les deux appartiennent au parti ERC.
« Hors de question que Puigdemont puisse faire campagne sur le thème de la répression judiciaire » murmure-t-on à la Moncloa.
Madrid et Barcelone en rébellion
Aujourd’hui, le gouvernement espagnol doit faire face à la fronde des deux endroits les plus puissants du pays.
La très droitière présidente de la région de Madrid, Isabel Ayuso qui gouverne avec l’extrême droite de Vox, est en rébellion constante contre le gouvernement espagnol socialiste. Notamment sur la gestion du Covid et les politiques économiques.
Bien que les deux soient aux antipodes politiques, les stratégies de trolling permanent contre le gouvernement espagnol, d’Ayuso à Madrid et de Torra en Catalogne se ressemblent. Quim Torra veut indépendantiser la Catalogne de l’Espagne, et Isabel Ayuso souhaite isoler Madrid d’un gouvernement espagnol trop gauchiste à son goût.
Il n’est pas possible pour Pedro Sánchez de gouverner l’Espagne avec la région de Madrid et la Catalogne contre lui.
Le plan du Premier ministre est donc simple. Voir le candidat d’ERC, Pere Aragonès, s’installer dans le siège de président de la Catalogne et pouvoir ainsi ouvrir une fenêtre de coopération.
Trahison
Les électeurs indépendantistes auront cependant le dernier mot. Sur ERC plane l’ombre terrifiante du mot qui peut griller une carrière politique dans la sphère indépendantiste catalane : trahison.
Pere Aragonès devra jouer avec finesse et manier suffisamment l’ambiguïté pour collaborer avec Madrid sans être affublé de félonie par Carles Puigdemont.