Fermées depuis maintenant deux mois, les discothèques d’Espagne et particulièrement de Barcelone sont dans une situation de grande précarité. Quel avenir pour la nuit à Barcelone ?
Le point avec Ramon Mas, président de la Fédération des Associations de Loisirs Nocturnes d’Espagne (FASYDE), vice-président du Syndicat des boîtes de nuit de Barcelone, et propriétaire du club Wolf et du bar D9 dans le quartier de Poblenou.
Quelle est la situation actuelle du secteur de la nuit à Barcelone et en Espagne ?
Après 60 jours de fermeture, la situation est très mauvaise. Nous n’avons pas le droit d’ouvrir mais nous sommes dans l’obligation de payer nos charges de sécurité sociale à hauteur de 40% pour nos employés au chômage partiel. Et au-delà de ça nous devons payer les factures, les loyers, l’énergie, les impôts, les frais administratifs. Nous sommes dans une situation extrêmement précaire. Personnellement avec mon club le Wolf j’ai la chance d’avoir un propriétaire compréhensif avec lequel j’ai pu négocier pour survivre.
Qu’attendez-vous du gouvernement espagnol ?
Qu’il prolonge le chômage partiel (ERTE) pour nos employés au moins jusqu’à la fin de l’année sinon nous allons à la catastrophe. Nous voulons des aides financières comme en France, en Allemagne ou au Royaume-Uni. Il faut que l’on arrête de faire passer les discothèques pour des clusters. Nous sommes très en colère contre cette fausse accusation. Les discothèques sont fermées en Espagne depuis 60 jours et pourtant la contagion continue. Barcelone est la ville qui a été la plus stricte dans la fermeture des boites et pourtant c’est l’un des endroits les plus touchés à l’heure actuelle. Ce qui prouve que les foyers de contaminations ne viennent pas des boites de nuit.
D’où viennent-ils selon vous ?
Des fêtes illégales et des beuveries de rues, les fameux « botellones ». Depuis que nous sommes fermés il y a eu 4000 « botellones » dans tout le pays. Nous estimons la participation à 100.000 personnes. Il faudrait peut-être regarder de ce côté-là pour trouver les foyers d’infection.
Pourquoi le monde de la nuit est-il sous le feu des critiques ?
Il fallait un coupable pour expliquer les contagions de Covid19 et le monde de la nuit est le coupable idéal. Historiquement le secteur nocturne n’a jamais été soutenu par les institutions de ce pays.
C’est paradoxal car l’Espagne est perçue comme le pays de la fête et des clubs…
Oui c’est paradoxal. D’autant plus que les touristes qui visitent notre pays ont une très bonne image des clubs et valorisent positivement le travail des boites de nuit. La réussite touristique espagnole passe aussi par le monde de la nuit. L’état d’esprit des institutions est en train de changer. Nous faisons un grand travail en ce sens, et cela va porter ses fruits.
Quel est l’avenir des clubs ?
Nous travaillons avec les ministères catalans de l’Intérieur et de la Santé pour rouvrir afin d’organiser des concerts. Des événements très sécurisés avec une capacité d’accueil limitée et des spectateurs assis sur des sièges. Pour le clubbing nous n’avons aucune projection. C’est dur de planifier un avenir sans avoir de date. Ce qui est sûr, c’est que la fête d’Halloween est perdue le 31 octobre prochain pour les boites de nuit. Du coup nous allons avoir des milliers et des milliers de personnes dans les rues du pays, avec les risques sanitaires que cela comporte.
Parvenez-vous à rester optimiste ?
Oui, car nous sommes en lutte. Mais nous savons aussi que 45% des boites de nuit en Catalogne devraient disparaître définitivement. Pour que le public prenne conscience de ce que nous traversons, mercredi prochain, le 23 septembre, les patrons de boite vont passer une nuit blanche en s’enfermant de 19 h à 7h du matin dans leur club respectif. Le concept s’appelle « Insomnia, nos habéis quitado el sueño – Insomnie vous nous avez fait perdre le sommeil/nos rêves ». On le fera bien sûr dans le respect des règles sanitaires avec 6 personnes maximum dans chaque établissement . Moi je le ferai au Wolf. Dans l’attente de rouvrir.