Aujourd’hui, c’est la diada, la fête officielle de la Catalogne. À cette occasion, les drapeaux catalans seront de sortie, symboles de l’identité locale et de revendication politique.
Retour sur leurs origines historiques avec Florence Siguret, de l’agence Barcelona Autrement.
Selon la légende, ce drapeau aurait été offert aux Catalans au IXe par les Carolingiens, dynastie de rois francs, et donc ancêtres des Français.
À cette époque, les territoires qui constituaient “La Marche d’Espagne”, de l’autre côté des Pyrénées françaises, devaient rendre des comptes aux Francs qui les avaient libérés des Sarrasins. Le comté de Barcelone était l’un de ces territoires, d’où le terme “ciutat comtal”, ville comtale, que l’on utilise encore souvent pour désigner la capitale catalane.
À cette époque à Barcelone donc, le comte s’appellait Guifré el Pilós ou Guifred le Velu (on ne plaisante pas avec les noms). Guifred le Velu n’est pas vraiment Monsieur Tout-le-monde puisqu’il est considéré comme le père de la “nation” catalane. En effet, lorsqu’il était au pouvoir entre 878 et 897, il a largement contribué au développement du territoire, à l’origine de la Catalogne actuelle. De plus, il a laissé derrière lui une dynastie qui durera 5 siècles, où les comtes deviendront ensuite les rois de la couronne d’Aragon.
La légende a plusieurs versions mais la plus répandue raconte que les Francs ont demandé de l’aide à Guifred le Velu pour lutter contre les Normands. Le comte barcelonais s’est rendu sur place avec son armée mais au cours de la bataille, il aurait été blessé par une flèche dans la poitrine. Le roi des Francs, Charles le Chauve (joli contraste) se serait rendu à son chevet pour lui apporter tous ses vœux de guérison. Voyant la plaie encore sanguinolente, Charles le Chauve décide d’y tremper ses doigts et de tracer 4 bandes rouges sur le bouclier doré du comte catalan. “Ceci seront vos nouvelles armoiries, comte !”
Origen del escudo del condado de Barcelona, oeuvre de Claudio Lorenzale en 1843Une légende qui transforme la réalité
La légende des origines de la senyera permet de forger l’identité catalane et ses symboles en les faisant remonter très loin dans l’histoire. En réalité, la naissance du drapeau remonterait “seulement” au XIe siècle, comme on peut le voir sur la tombe du comte Ramon Berenguer II. À l’époque, le nombre de bandes n’était pas encore limité.
Tombe d’Ermessenda de Carcassonne, arrière grand-mère de Ramon Berenguer IILe drapeau tel qu’on le connaît aujourd’hui avec ses quatre barres rouges serait apparu au XIIIe, puis instauré comme symbole de la dynastie au XIVe sous le règne de Pere el Cerimoniós (Pierre le Cérémonieux).
En toute logique, on retrouve également ce drapeau pour la région d’Aragon (avec un blason) du fait du lien politique entre la Catalogne et l’Aragon depuis le XIIe siècle. Et si vous avez voyagé du côté de Valence ou aux Baléares, vous avez peut-être remarqué qu’on y retrouve aussi le drapeau catalan, auquel on a ajouté une partie en bleu. L’usage des quatre bandes rouges sur fond or était alors un privilège, attribué par le roi d’Aragon, Jaume I (Jacques Ier), qui venait de conquérir ces territoires.
La Catalogne et Cuba, même combat ?
Aujourd’hui, le drapeau catalan est le symbole de l’identité locale que l’on va exposer aux balcons ou dans les manifestations de toutes sortes.
Ces dernières années, une variante du drapeau a pris le dessus et il ressemble beaucoup à celui de Cuba, une île qui s’est émancipée de l’Espagne en 1898. Le combat des indépendantistes cubains a largement inspiré Vicenç Albert Ballester, le créateur de cette nouvelle version du drapeau : au drapeau traditionnel, il ajoute une étoile blanche sur triangle bleu.
L’Estelada, le drapeau indépendantiste © F. SiguretAutant la senyera, le drapeau catalan simple, est une revendication de la culture et de l’histoire catalane, autant l’estelada marque les aspirations indépendantistes de celles et ceux qui le portent.
Nul doute que cette année, en dépit des mesures sanitaires, tous ces drapeaux flotteront fièrement en ce 11 septembre 2020.