Corruption Espagne. Nouveau feuilleton judiciaire avec la mise en cause des anciens ministres de l’Intérieur et de la Défense dans une sordide histoire d’espionnage.
L’ancien commissaire José Villarejo pourrait tenir le premier rôle dans une série Netflix. Incarcéré depuis 2017 aux motifs d’appartenir à une organisation criminelle, de blanchissements de fonds et de corruption. Le parcours criminel de Villarejo est en collusion permanente avec le pouvoir politique du côté droit de l’échiquier espagnol.
Spécialiste de l’espionnage et des écoutes illégales, l’ancien policier, de concert avec le ministre de l’Intérieur conservateur Jorge Fernandez Diaz, a monté en 2015 « l’opération Catalogne« . Avec une police dite « patriotique », le but de la manœuvre était d’enquêter sur les leaders politiques indépendantistes de l’époque, les présidents catalans Jordi Pujol et Artur Mas. En est ressortie une pléiade d’affaires de corruption éclaboussant les deux leaders. Les affaires de malversations étaient bien vraies, mais les méthodes pour obtenir les informations étaient des barbouzeries d’une autre époque.
Si José Villarejo est le bras armé de la droite espagnole contre l’indépendantisme catalan, l’homme a été également utilisé pour des règlements de compte internes au Partido Popular, le principal parti conservateur espagnol.
Corruption Espagne : l’affaire Gürtel
Il faut pour comprendre l’affaire Kitchen, comprendre l’affaire Gürtel. Luis Bárcenas est l’ancien trésorier du Partido Popular. Suite à une gigantesque affaire de corruption il est en prison depuis 2009. Selon des documents comptables du Partido Popular publiés par la presse espagnole, de nombreux cadres du parti dont Mariano Rajoy, auraient reçu discrètement et en liquide de l’argent provenant de donations illégales d’entreprises du bâtiment. Les sommes de cette caisse noire avoisine les 30 millions d’euros, et c’est la fameuse affaire Gürtel qui défraie la chronique politico-judiciaire espagnole depuis une décennie.
Pour le moment, la justice n’a pas réussi à inculper l’ancien premier ministre Rajoy, mais celui-ci a été renversé par une motion de censure en 2018, après que son parti fut officiellement déclaré organisation criminelle par une sentence judiciaire.
Depuis sa prison en 2013, Barcenas mettait la pression sur Mariano Rajoy flirtant avec le chantage contre le gouvernement espagnol lui-même. Barcenas serait en possession de documents permettant selon lui de faire tomber tout le gouvernement, Mariano Rajoy alors Premier ministre en premier lieu.
Corruption Espagne : affaire Kitchen et espionnage
Pour récupérer l’ensemble des documents compromettants, le gouvernement de Mariano Rajoy autorise en 2013 l’opération Kitchen, avec l’espionnage de Luis Bárcenas par l’ancien commissaire José Villarejo. Le gouvernement conservateur, selon l’instruction, cherchait des documents et des preuves pour faire à son tour chanter Luis Bárcenas ou son entourage. L’affaire rebondit cette semaine dans la presse avec une nouvelle révélation de certains détails. L’ancien secrétaire d’État chargé de la sécurité en 2013 Francisco Martinez a déclaré aux enquêteurs que le ministre de l’Intérieur de l’époque Fernandez Diaz et la ministre de la défense Dolores de Cospedal (également secrétaire générale du PP) étaient à l’origine directe de l’affaire d’espionnage de Barcenas.
Le gouvernement en 2015 aurait offert près de 50.000 euros à Sergio Ríos, le chauffeur de Barcenas, pour qu’il collabore dans l’espionnage de son employeur et vole les documents de l’ancien trésorier du PP. Une somme empruntée aux fonds réservés du ministère de l’Intérieur. Les services secrets ont donné à Sergio Ríos le surnom du « cuisinier ». D’où le nom d’affaire « Kitchen ».
Ce nouvel épisode frappe de plein fouet le principal parti d’opposition qui pourrait, en plus des poursuites judiciaires, entraîner une comparution des principaux responsables devant le parlement espagnol.
Corruption Espagne : opération « Kitchen » quand la politique est un roman noir