Tourisme à Barcelone : l’été meurtrier

Tourisme à Barcelone. L’été 2020 de la capitale catalane est marqué par un grand manque de touristes. Terrasses désertes, monuments vides et rues dépeuplées, l’absence de visiteurs tue à petit feu les commerces et hôtels de la ville. 

« On n’a jamais vu ça en vingt ans » déplore Mariano Alan, gérant du café Cerveceria Canarias sur la Plaça Reial. Le secteur touristique est très affecté par la crise sanitaire, d’autant plus que la ville de Barcelone est un symbole du tourisme de masse. Chaque année, 16 millions de voyageurs visitent la capitale catalane. Une arrivée massive d’étrangers concentrée principalement en été. Mais cette année, leur absence laisse présager une crise économique conséquente du secteur.

Restauration : « le manque de touristes nous tue »

Mercredi 5 août, il est 15h à Barcelone. La Plaça Reial est quasi-désertique, loin de l’effervescence habituelle en plein mois d’août. Du côté des terrasses, l’ambiance est tout aussi monotone. Parmi elles, le restaurant Cerveceria Canarias ne compte qu’une jeune femme assise à une table. « Vous voyez, jamais la ville n’avait été aussi vide que maintenant » souffle Mariano Alan. Le gérant de l’établissement ne cache pas son inquiétude. « Le manque de touristes nous tue. Je vis grâce à eux, leur absence pourrait être fatale pour mon restaurant. »

L’an passé par exemple, des étrangers faisaient la queue à longueur de journée avant de pouvoir s’installer. « Actuellement, il manque environ 95 % de visiteurs, estime Mariano, sans vaccin, ils continueront à se faire rares. Dans ce cas, je serai contraint de fermer mon établissement » se préoccupe-t-il.

Mariano Alan, gérant du café Cerveceria Canarias sur la Plaça Reial.

À quelques stations de métro plus loin, même constat. Devant la Sagrada Familia, le restaurant Casa de Jamón fait lui aussi grise mine. Sa terrasse donnant sur la majestueuse basilique de Gaudí ne compte que très peu de clients. Raziel Pino, serveur, raconte : « C’est la première fois que je vois la Sagrada Familia comme ça. Avec si peu de touristes, si peu d’ambiance. L’an passé, par exemple, ici, à cette heure-ci (20h), il y avait énormément de monde. Aujourd’hui, regardez cette terrasse, elle est pratiquement vide. Les pertes sont grandes. » 

La terrasse de la Casa de Jamón, déserte en pleine journée.

Des pertes que Patrick Torrent, directeur exécutif de l’Agence Catalane de Tourisme (ACT) estime à 4 milliards d’euros pour les mois de juin et juillet 2020. « En 2019, en juin-juillet nous avons reçu 5,5 milliards d’euros de dépenses touristiques de nos visiteurs. Sur les mêmes mois de cette année, nous avons perdu 80 % de visiteurs et presque 85 % de la dépense touristique, soit plus de 4 milliards d’euros. C’est un chiffre que nous ne pouvons pas récupérer » explique-t-il.

Tourisme Barcelone : l’hôtellerie, grande victime de la crise sanitaire

Le manque de touristes à Barcelone est un vrai problème pour le secteur hôtelier. « Aujourd’hui une trentaine d’hôtels a ouvert ses portes, cela ne représente que 20 % de l’offre hôtelière de la ville » analyse Bruno Hallé, consultant chez Cushman & Wakefield Hospitality in SpainEntre le mois de juin et juillet, le taux d’occupation des hôtels avoisinait les 15%. En temps normal, à cette période, les établissements sont remplis à hauteur « de 85 %-90% » assure Manel Casals, directeur général de l’Association des Hôtels de Barcelone« C’est aussi bien une catastrophe pour le chiffre d’affaires des hôteliers que pour l’industrie touristique dans sa globalité » remarque Bruno Hallé.

À l’image de l’hôtel Pere IV dans le quartier de Poblenou, beaucoup n’ont pas rouvert leurs portes depuis le confinement en mars dernier. Son directeur Arturo Soler explique que l’établissement est fermé jusqu’au 4 septembre, sous réserve de l’évolution de la pandémie. Même les portes du mythique hôtel Majestic, sur le Passeig de Gràcia, sont closes.

L’hôtel Majestic sur le Passeig de Gràcia est fermé depuis le début de la crise sanitaire.

Malgré la fermeture, Arturo est plutôt confiant : « nous survivrons à cette crise » lance-t-il. Toutefois, ce n’est pas le cas de tous. Pour les hôtels en location par exemple, les temps sont durs. Ils risquent de ne pas supporter encore longtemps la situation. « Je suis propriétaire de l’immeuble, par chance, nous avons moins de dépenses » compare le directeur.

Cette crise bouleverse ainsi l’économie du secteur. Certains établissements comptaient ouvrir en septembre, mais sont finalement contraints de reporter leur réouverture. D’autres seront tout simplement mis en vente par leurs propriétaires en 2021. « On s’attend à un mouvement d’achat et de vente d’hôtels à Barcelone » prédit Bruno Hallé.

Tourisme à Barcelone : quel avenir ?

Avec près de 83 % de visiteurs internationaux, Barcelone a développé une économie très orientée vers le tourisme. Comment se défaire de cette demande internationale ? « Le challenge serait de passer vers une demande plus nationale » explique le directeur exécutif de l’Agence Catalane de Tourisme (ACT). Les spécialistes du secteur envisagent de travailler davantage avec les Espagnols souhaitant venir passer quelques jours dans la capitale catalane.

L’avenir touristique reste néanmoins difficile à envisager. « Aujourd’hui on bouge avec très peu de demandes touristiques ce qui fait que la ville est au ralenti. Mais dès qu’il y aura un vaccin, nous aurons une nouvelle réalité » juge Bruno Hallé.

En effet, pour nos deux experts, Barcelone est une ville pleine de ressources qui pourra revenir sur le devant de la scène du tourisme international, sans aucun problème.

Recommandé pour vous

Bloqueur de pubs détecté

Merci de désactiver votre bloqueur de publicités pour accéder gratuitement aux contenus d'Equinox.