Sacrifier Juan Carlos pour sauver la monarchie espagnole

roi Juan Carlos

La monarchie espagnole traverse son moment le plus compliqué depuis 1975. La figure de Juan Carlos, qui a piloté avec succès la transition de la dictature à la démocratie, possède une face sombre. Celle de la corruption.

Le monarque Juan Carlos est une statue qui a été déboulonnée de son vivant. 94% des Espagnols condamnent le roi émérite selon une enquête publiée en mars dernier. Ce chiffre s’explique par les sommes supposément détournées par Juan Carlos. L’ex-monarque est soupçonné d’avoir engrangé une commission illégale en échange de la concession d’un contrat de 6,7 milliards d’euros pour la construction d’un train à grande vitesse entre La Mecque et Médine à un consortium d’entreprises espagnoles.

Le dossier d’instruction avait été ouvert en 2018, après la diffusion d’enregistrements de l’ancienne maîtresse de Juan Carlos, Corinna Zu Sayn-Wittgenstein où elle l’accusait de corruption. C’est le seul dossier dans lequel le roi émérite sera jugé car les faits ont été commis après son abdication en 2014. Mais les affaires financières durant le règne de Juan-Carlos se multiplient et secouent la maison royale.

Le roi tourne le dos à son père

Pour éviter que le bateau ne coule au milieu de la tempête, l’actuel Roi Felipe VI a décidé de jeter son père par-dessus bord. Felipe VI a retiré à son père une dotation évaluée à plus de 194 000 euros par an. Par ailleurs, il renonce à l’héritage de son père « afin de préserver l’exemplarité de la couronne ».

Pour autant l’époque reste complexe pour les Bourbons. L’arrivée de la grande crise sociale et économique dérivée du Covid-19 va attiser les colères contre les privilégiés royaux.

Pour sauver la monarchie, le Premier ministre socialiste Pedro Sánchez sacrifie lui aussi Juan Carlos. Hier lors d’une interview accordée au pure player el Diario, Sánchez a fait mine de s’émouvoir: « Ce sont des informations troublantes [concernant Juan Carlos] qui dérangent tous les Espagnols, y compris moi-même. (…) Il y a un juge qui agit et la maison royale elle-même marque des distances devant ces informations dérangeantes et inquiétantes et c’est quelque chose dont je suis reconnaissant. »

Aucun Premier ministre depuis 1975 n’était allé aussi loin dans la condamnation publique de Juan Carlos. La maison Royale sait que Pedro Sanchez tient ces propos pour protéger la figure de l’actuel roi face à l’héritage judiciaire. Mais elle sait aussi que le Premier ministre socialiste gouverne avec Podemos, une force politique qui réclame la suppression de la monarchie au profit d’une République. Un coup politique est vite arrivé dans l’époque instable que nous vivons. Le roi Felipe VI n’est pas non plus à l’aise avec les relations qu’entretient le gouvernement avec les indépendantistes catalans et les nationalistes basques, tous favorables au changement de régime.

Pour une fois, c’est le consensus qui se dégage. L’opposition de droite et d’extrême droite n’est pas venue au secours de l’ancien roi et garde un silence assourdissant sur les affaires qui minent la couronne.

 

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