Après une trêve imposée par la crise du Covid19, certains Barcelonais craignent le retour du tourisme massif dans la ville. Reportage.
La Repla, place du marché de la Barceloneta, prend des airs de village en cette fin de mois de juin. Il reste des chaises libres sur les terrasses des cafés, les habitants se saluent, prennent des nouvelles, s’attardent sur les quelques bancs publics. “Nous n’avions pas vécu cela depuis tellement d’années, nous pouvons vivre tranquillement dans notre quartier, c’est incroyable” raconte Sebas Huguet, activiste de la plateforme Barceloneta diu Prou (Barceloneta dit ça suffit). Si la crise sanitaire a violemment touché Barcelone, dont le quartier de la Barceloneta qui déplore 42 décès, le déconfinement est comme une bouffée d’oxygène pour cette zone habituellement étouffée par le tourisme de masse. “Le problème ce n’est pas le tourisme en soi, le quartier a toujours reçu des touristes, poursuit l’ancien docker, mais cela le devient quand les familles ne peuvent plus se loger car tous les appartements deviennent des bails touristiques, qu’une personne âgée ne puisse prendre le bus pour aller faire ses courses car il est bondé du matin au soir, ou que moi je ne puisse plus dormir la majeure partie de l’été car les touristes sont irrespectueux.”
L’impuissance de la mairie de Barcelone
Pourtant la mairie d’Ada Colau avait promis de s’attaquer au tourisme de masse et aux lobbies qui ont fait du centre-ville un véritable parc d’attractions, au détriment de la qualité de vie des Barcelonais. “Ils ont fait un peu, ils ont gelé quelques licences hôtelières, fermé des appartements touristiques, assure Sebas Huguet, mais ils sont en train de manquer le coche”.
La crise sanitaire, une pause qui aurait permis de mettre en place un nouveau modèle touristique? Beaucoup estiment que c’est le moment idéal mais que les institutions, paniquées par la crise économique annoncée, essaient coûte que coûte d’attirer le plus de touristes et le plus vite possible.
“On n’a rien appris!”
“On peut déjà dire qu’on a manqué cette opportunité” se désole Dani Pardo, porte-parole de l’association des quartiers pour un tourisme durable (ABTS). Le gouvernement catalan a débloqué un budget exceptionnel de 7 millions d’euros pour attirer les visiteurs cet été, tandis que la mairie de Barcelone a déjà annoncé des promotions spéciales pour encourager la venue des Français. “On n’a rien appris!” s’agace Sebas Huguet.
Nombreux sont les Barcelonais à avoir ces dernières semaines redécouvert leur ville, profité d’endroits délaissés comme le Park Güell ou la Plaça Reial, et apprécié un environnement avec moins de pollution atmosphérique et acoustique. “Un tourisme qui respecterait les habitants est possible et c’est ce que nous proposons depuis des années, mais les pouvoirs publics pensent que c’est la seule manière de sauver l’économie et de créer des emplois, poursuit Dani Pardo, ce qui est faux puisque c’est un secteur qui engendre toujours plus de précarité”.
Si personne ne s’attend à un raz-de-marée touristique dès l’ouverture des frontières dimanche, les visiteurs devraient peu à peu investir la ville dès la fin du mois de juillet. “Dans un mois, nous serons de retour à la normalité, enfin ce qui est malheureusement devenu notre normalité” souffle Sebas Huguet, désabusé. En attendant, lui et ses voisins tentent encore de profiter du calme retrouvé et des bonheurs simples de la vie de quartier comme autant de répit inattendu.