Amélie Fandart a 32 ans et est installée dans le quartier de Gràcia. Cette Française de Barcelone est atteinte de surdité depuis ses 5 ans. Lisant sur les lèvres et parlant la langue des signes, communiquer n’a jamais été un réel problème pour elle. Mais quand le port du masque est devenu obligatoire à Barcelone, les choses se sont compliquées.
Avant la crise du Covid-19, Amélie Fandart pouvait communiquer normalement en lisant sur les lèvres. Mais le masque s’est généralisé et est devenu son ennemi et celui de tous les sourds et malentendants, pour qui la lecture labiale est le seul moyen de comprendre celui qui ne parle pas la langue des signes.
Ces dernières semaines à Barcelone, la jeune femme a souvent eu des quiproquos avec les commerçants portant le masque « les bouches sont cachées, je ne vois pas qu’on me parle et eux pensent sûrement que je suis mal polie ou que je les ignore. Parfois, au lieu d’enlever le masque, les gens vont aussi parler plus fort, comme s’ils parlaient à une personne âgée. Cependant, je ne les entends pas plus distinctement. »
Originaire de Paris, Amélie a passé six ans à Londres où elle a commencé sa carrière dans le marketing digital, avant de venir s’installer dans la capitale catalane en 2018. C’est lorsqu’elle avait 5 ans qu’elle est devenue sourde et que sa vie a changé en seulement quelques mois. Grâce à ses appareils auditifs, elle peut lire sur les lèvres et entendre quelques sons, mais ils ne lui permettent pas de transformer les sons en mots.
Au travail, et malgré ses dix ans d’expérience sur son CV, le handicap d’Amélie lui vaut parfois des discriminations quand vient l’étape de l’entretien téléphonique qu’elle n’est pas en mesure de réaliser. Elle a beau proposer des entretiens vidéos à la place, les recruteurs se désintéressent à son profil ou pire; ne prennent pas le temps de répondre à son mail. « Il y a cependant, je pense, moins de discriminations aujourd’hui qu’il y a 20, 30, 40 ans, grâce aux combats de la communauté sourde : manifestations, reconnaissance de la langue des signes, aide à l’intégration etc. Mais il est vrai qu’il existe des barrières encore importantes et qu’il faut continuer à sensibiliser la population, nous sommes nombreux et c’est un handicap qui ne se voit pas » confie-t-elle.
Et le Covid masqua les lèvres
Rendre le handicap visible, c’est donc l’idée qu’a eu la trentenaire pour aider les sourds à faire face à l’exclusion qu’entraîne le port du masque. Elle a lancé au début du mois de juin Deaf Apparel (« vêtement » et « sourd » en anglais), une ligne de vêtements qui tend à mettre en lumière son handicap, invisible aux yeux des autres.
Elle raconte comment est née l’idée: « Me voyant galérer à comprendre et à faire comprendre mon handicap pendant le confinement, ma fiancée Anne-Line m’a offert un t-shirt personnalisé avec marqué en (très) gros « Deaf, Sorda, Sourde ». En le portant, j’ai eu beaucoup de retours positifs des entendants me disant « c’est vrai que je n’avais pas pensé au problème des masques pour les sourds », mais également des personnes sourdes me disant « j’adore ton t-shirt, tu l’as acheté où ? ».
Les deux femmes se rendent compte que ces t-shirts pourraient aider beaucoup de sourds à rendre leur handicap visible, « le message suggérait: pour communiquer veuillez enlever votre masque ou écrire ce que vous voulez me dire ».
Amélie et Anne-Line ont donc imaginé des designs simples en espagnol, français, anglais et catalan pour être compris de tous. Dans le désir de représenter d’autres minorités, elles décident également de créer une collection « All United » et « Black Lives Matter » dont les profits sont reversés aux associations pour la communauté noire et LGBT+. Les profits de la gamme « Deaf », eux, sont reversés en juin à des associations pour sourds et malentendants.
L’handicap d’Amélie, bien qu’il soit invisible, concerne en fait une grosse partie de la population. En Espagne, il y a un million de sourds et malentendants, en France 4 millions et dans le monde, 466 millions. Il existe de nombreuses associations pour les personnes sourdes et malentendantes en Catalogne, comme Fesoca Joventut, Amecocat ou Cerecusor. Les langues des signes catalanes et espagnoles sont différentes de la langue des signes française. C’est pourquoi Amélie souhaiterait, à l’avenir, apprendre l’espagnol pour pouvoir communiquer en langue des signes avec les locaux et prendre part à l’une de ces associations.
Vous pouvez retrouver les collections Deaf, All United et Black Lives Matter sur la boutique en ligne Deaf Apparel.