Tribune libre des associations indépendantes de lycées français de la péninsule ibérique.
Le Chef de l’État mise sur ce réseau d’influence colossal – près de 400.000 élèves répartis dans plus de 500 établissements à travers le monde accueillant familles étrangères (60%) et françaises – pour accroître le rayonnement de la France. Le 3 octobre dernier, le gouvernement fixait un ambitieux plan stratégique avec le doublement des effectifs dans les lycées français à l’étranger d’ici 2030. La traversée de la crise pourrait malheureusement mettre à mal ce projet.
L’histoire des lycées français commence en 1689 à Berlin, alors que les huguenots émigrent de l’autre côté du Rhin pour pratiquer leur religion après la révocation de l’Édit de Nantes. Au fil des siècles, ces lycées s’implantent à l’étranger, suivant l’histoire de France hors de ses frontières, et se forgent une solide réputation basée sur un enseignement de qualité et des frais de scolarité compétitifs. Le réseau forme une partie des élites du monde, attire vers la France des étudiants étrangers, facilite l’expatriation de nos compatriotes et, de ce fait, favorise le développement du commerce extérieur.
Depuis quelques années, cependant, cette réputation se ternit. D’abord, la concurrence des lycées privés internationaux, notamment anglo-saxons, est rude : l’attrait de l’anglais et la gamme de services proposée par ces établissements séduisent les familles. Ensuite, les droits d’écolage se sont envolés ces dix dernières années suite à un désengagement de l’État et ils sont maintenant comparables à ceux des meilleurs établissements privés. Enfin, l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger, qui gère le réseau des établissements depuis Paris, centralise les décisions et ne se soucie guère de la satisfaction des familles sur le terrain. Depuis sa perspective, l’aide de l’État, 20% du coût total environ, qui finance en partie la rémunération des enseignants de l’Éducation Nationale dans les écoles, explique ce fort centralisme mais l’absence de transparence dans ses comptes et le niveau des frais de scolarité des établissement concurrents laissent penser que cette subvention ne finance en réalité que les surcoûts d’un système bureaucratique.
La fermeture des établissements du fait de la pandémie, n’a fait qu’aggraver un mal existant. Tandis que les autres lycées internationaux ont réagi rapidement, les lycées français peinent encore à mettre en marche un enseignement à distance efficace. Malgré les efforts de nombreux enseignants, aucune ligne directrice n’est donnée ni par les chefs d’établissement ni par l’AEFE. Résultat : la multitude d’outils utilisés sème la confusion auprès des familles, chaque enseignant appliquant la méthode qu’il juge opportune. L’enseignement à l’étranger ne peut pourtant pas être dispensé tel qu’il l’est en France. D’une part, parce que les lycées français sont payants et que leurs clients, les familles, ont un niveau d’exigence accru. D’autre part, parce que leur public est constitué en grande partie de familles non-francophones (plus de 60%), pour qui le suivi des devoirs s’avère difficile voire impossible sans la présence du professeur. En effet, la quasi-absence de cours par visio-conférence sur certains niveaux représente un véritable problème pour ces foyers qui perdent le lien avec le français et se retrouvent délaissés. Pour ces familles, l’égalité des chances entre élèves n’est plus assurée. Elles, qui avaient à l’origine misé sur le système éducatif français, considèrent maintenant une scolarisation dans d’autres écoles internationales.
Malgré de multiples requêtes auprès de l’AEFE pour un dispositif pédagogique performant et une remise sur les frais de scolarité qui tienne compte d’un enseignement dégradé, les familles restent inaudibles. Un mouvement mondial « #jeretardelepaiement » s’est mis en place pour contester les méthodes de l’Agence. Au Lycée Français de Madrid, les parents de plus de 1.300 élèves ont retardé le règlement du 3e trimestre, exigeant une remise comme c’est le cas dans les lycées alentours. Lassées de financer un système centralisé à l’excès et dans lequel elles n’ont aucun pouvoir décisionnaire, elles exigent aussi une refonte de la gouvernance dès septembre 2020.
La pétition « Le printemps des lycées français » est accessible en cliquant ici
Si l’horizon ne se dégage pas pour la rentrée de septembre, cette institution de plus de 300 ans, symbole du soft power tricolore, pourrait bien ne pas se remettre de cette crise.
L’ALI du lycée français de Madrid, l’ALI du lycée français de Barcelone, le GPI du lycée français de Valence, l’ALI du lycée français de Palma, l’ALI du lycée français d’Alicante