Les droites espagnoles veulent pousser le Premier ministre à la démission. L’objectif est une convocation électorale anticipée entre l’automne et l’hiver prochain.
Le gouvernement espagnol est fragile. Depuis 2015, le fait est devenu systémique en raison d’un code électoral à la proportionnelle explosant la représentation nationale en une multitude de partis politiques et groupuscules régionaux. Les deux grands partis espagnols, la droite du Partido Popular (PP) et le Parti Socialiste (PSOE), doivent composer avec une foultitude de micro-mouvements pour dégager une majorité afin de se maintenir au pouvoir. Un difficile équilibre qui a fait chuter le dernier gouvernement conservateur de Mariano Rajoy en 2018. Renversé par une motion de censure par ses anciens alliés parlementaires au profit du Parti Socialiste.
Le Premier ministre Pedro Sanchez ne se trouve pas encore à ce stade, mais le PP et l’extrême-droite de Vox préparent le terrain pour des élections anticipées à l’automne ou au plus tard à l’hiver prochain. Pour se faire investir chef du gouvernement en janvier dernier, Pedro Sanchez a dû négocier avec une dizaine de partis, de l’extrême-gauche indépendantiste de Galice (BNG) aux régionalistes des Iles Canaries en passant par les souverainistes catalans d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC). Une courte majorité disparate qui tangue en ces temps de coronavirus pour soutenir un instable gouvernement de coalition socialiste-Podemos. Pour faire chavirer plus rapidement la galère gouvernementale, les forces de droite tirent à boulets rouges.
Le PP pense que Pedro Sanchez ne pourra pas survivre politiquement à la crise économico-sociale dérivée du coronavirus qui s’abattra sur le pays après l’été. Chaque jour est utilisé pour affaiblir le Premier ministre et son gouvernement de coalition.
Manifestations et fake news
Naturellement l’extrême-droite est la plus véhémente contre ce qu’elle nomme « le gouvernement illégitime socialo-communiste ». Vox chauffe la rue et agite les réseaux sociaux. En plein état d’urgence, Vox et ses supporters sortent dans la rue pour manifester. D’abord dans les quartiers commerçants chics de Madrid à la mi-mai pour demander la fin du confinement. Quelques jours plus tard, en voiture dans toute l’Espagne pour intimer l’ordre à Pedro Sanchez de quitter le pouvoir. Sur les réseaux sociaux, à la manière Trumpiste, Vox relaie des fakes news. Comme ce montage photo en mars dernier où la Gran Via ne Madrid était faussement remplie de cercueils de victimes du Covid19. Preuve selon Vox de l’incompétence du gouvernement.
Et ça marche. Sur Facebook, Vox affiche fièrement plus d’un demi-million de fans soit le double du parti socialiste et de la droite du PP.
Le terrorisme
Ce dernier, parti d’essence gouvernementale, suit la logique de Vox de peur de se voir distancer dans les urnes et refuse toute entente avec l’exécutif. Au contraire, l’aile droite du PP est en roue libre pour attaquer le gouvernement. En fin de semaine dernière, la porte-parole du mouvement a traité à la tribune du parlement le vice-président du gouvernement, Pablo Iglesias, de « fils de terroriste ». Le père de l’actuel chef de Podemos militait dans l’organisation clandestine FRAP à l’époque de la dictature franquiste.
La tolérance supposée de l’actuel exécutif envers le terrorisme est un thème récurrent des attaques de la droite. Le 22 mai dernier, Pedro Sanchez a annoncé l’abrogation de la loi travail du gouvernement Rajoy. Le PSOE l’a fait en signant un accord avec l’extrême-gauche indépendantiste basque, le sulfureux parti Bildu accusé régulièrement de sympathie envers l’ancien groupe terroriste ETA. La pression politique venue de la droite et le retentissement médiatique ont obligé le gouvernement à reculer. Une séquence qui a attisé la colère conservatrice sur les accointances gouvernementales avec les partis douteux, et en même temps déçu les militants progressistes.
Le limogeage du chef de la Guardia Civil de Madrid
Un fiasco vite remplacé par un autre dérapage gouvernemental. En début de semaine dernière, le ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska a fait un coup d’autorité en destituant le chef de la Guardia Civil de Madrid, le colonel Diego Pérez de los Cobos. Officiellement le chef de la gendarmerie espagnole a « perdu la confiance du ministère » . Officieusement, la raison du limogeage du numéro un de la Guardia Civil madrilène est plus politique. Le colonel Diego Pérez de los Cobos a dirigé, à la demande de la juge d’instruction Carmen Rodríguez-Medel, un rapport accablant contre le gouvernement socialiste sur la gestion de la pandémie pour l’autorisation d’une manifestation nationale le 8 mars dernier à l’occasion de la Journée des droits des femmes.
Dans une lettre publique, la présidente de la région de Madrid Isabel Diaz Ayuso (PP) a salué « la chute d’un héros de la démocratie espagnole ». Le colonel était à la tête des opérations pour démanteler le référendum indépendantiste catalan du 1er octobre. La furie politique et médiatique pousse dans les cordes le ministre de l’Intérieur. Même si Grande-Marlaska échappe à la démission, le capital du gouvernement s’est encore un peu plus rétréci.
Il n’y aura pas de trêve politique dans les prochains mois. Il n’y aura pas de gouvernement d’union nationale. La seule chose que veulent les droites et les médias conservateurs est la date des prochaines élections.