L’appel du Premier ministre espagnol, Pedro Sanchez, aux touristes espagnols et étrangers suscitent de nombreuses interrogations. L’hôtellerie barcelonaise est-elle prête à reprendre ses activités et dans quelles conditions ? Equinox a enquêté.
Lundi 25 mai, Barcelone est entrée dans la phase 1 du plan de déconfinement. Une première étape qui laisse entrevoir un retour à la normal : les terrasses et plages se remplissent, les rues sont moins désertes. D’après les consignes de l’État, cette phase permet aux hôtels de reprendre leur activité à condition d’interdire l’usage de leurs parties communes. Cependant, malgré cet assouplissement du gouvernement, peu d’hôtels barcelonais ont rouvert leurs portes. Manque de touristes, pertes financières liées au confinement et mesures sanitaires à mettre en place, les obstacles sont nombreux.
« 75% des hôtels resteront fermés »
D’après Manel Casals, directeur général du Gremi (l’Association des Hôtels de Barcelone), plus de 75% des hôtels restera fermé au moins jusqu’en septembre, a-t-il confié à Equinox. Le manque de touristes ne rentabiliserait pas une reprise des activités, et un “retour à la normal” reprendrait au minimum six à huit mois après la réouverture des frontières, explique l’association.
Les hôteliers semblent aussi partager les estimations du Gremi. C’est le cas d’Arturo Soler, directeur de l’hôtel Pere IV, installé dans le quartier Poblenou. Le directeur du 4 étoiles assure que son établissement n’ouvrira ni en juin, ni en juillet et probablement pas en août. « À ce jour, nous avons seulement 5 % de réservation pour la période juin-août, déplore-t-il, à la même période l’année dernière, nous avions déjà 70 % de réservation avant d’atteindre 95 % en été. » Même constat pour le petit hôtel trois étoiles Teatre Auditori, dans le quartier de l’Eixample, qui à l’heure actuelle n’envisage pas de réouverture en juillet. Selon Manel Casals, « les hôtels qui prendront la décision de rouvrir le feront car leur perte d’argent sera la même en restant fermés ».
Bruno Hallé, consultant chez Cushman & Wakefield Hospitality in Spain, pense quant à lui que les hôtels issus de grandes chaînes, comme Catalonia, peuvent espérer une réouverture rapide.« Ouvrir 1 ou 2 hôtels de la chaîne, au lieu de 10, permettrait de concentrer le nombre de réservation et de les remplir à 80 % » explique-t-il. Malgré l’appel du gouvernement, l’hôtellerie semble s’enliser dans la crise post-Covid-19, tout comme le tourisme international.
Vers un tourisme local
En moyenne, 80 % de la demande hôtelière provient du tourisme international et professionnel. La fermeture des frontières et l’arrêt du trafic aérien survenus pendant la crise sanitaire ont stoppé brutalement cette demande. Dès lors, le gouvernement, sous la pression du secteur touristique, a lancé un message fort en invitant Espagnols et étrangers à réserver dès à présent leurs vacances en Espagne ; en attendant la réouverture de ses frontières.
Néanmoins, d’après le taux de réservations actuellement très bas de voyageurs étrangers, le tourisme international n’est pas prêt de décoller cet été. Bruno Hallé ne cache pas son scepticisme: « est-ce que les connexions aériennes entre les villes européennes seront à nouveau optimales,s’interroge-t-il, je pense qu’en juillet, ce sera encore tôt. »
Avec 20 à 30 % d’activité hôtelière estimée cet été à Barcelone, la ville devra s’appuyer sur un tourisme local, bien loin du tourisme de masse et cosmopolite habituel. « En juin et juillet, les Espagnols pourront prendre quelques semaines de vacances. Ils rejoindront la côte et la ville de Barcelone peut jouer là-dessus » poursuit le consultant.
Règles sanitaires : les hôtels sont-ils prêts ?
Les hôtels, comme l’ensemble des commerces, sont soumis aux règles sanitaires pour lutter contre le risque de contamination. Ils devront donc veiller à faire respecter la distance physique, à désinfecter régulièrement les chambres et à repenser l’organisation des espaces communs (buffets, restaurants, piscines). Arturo Soler est optimiste quant à l’application de ces mesures d’hygiène : « on prépare minutieusement les protocoles sanitaires recommandé par le Comité des experts du Gouvernement. L’idée étant d’assurer une réouverture en toute sécurité d’ici septembre, aussi bien pour le personnel que pour les clients ».
Les petits hôtels barcelonais auraient un coup à jouer estime Bruno Hallé, « ils ont les moyens de faire une bonne saison malgré tout, avec une trentaine de chambres c’est plus simple de gérer les clients et de faire respecter les mesures sanitaires. »
Mais pour beaucoup d’établissements du secteur hôtelier, il est vital que l’État espagnol puisse continuer à verser le chômage partiel aux salariés, au moins jusqu’au mois de septembre. Comme pour le monde de la nuit, l’hôtellerie ne peut plus assumer une masse salariale égale à celle d’avant la crise du Covid-19. En parallèle, le gouvernement espagnol avait annoncé qu’il verserait l’allocation chômage jusqu’à la fin de l’état d’urgence, qui aura certainement lieu en juin.
Samedi dernier, dans son allocution officielle, le Premier ministre a intimé l’ordre aux secteurs du tourisme d’être opérationnels dès le mois de juillet. Une manière d’insinuer que les aides du chômage technique, les fameux ERTE que l’Espagne ne peut financer, ne seront pas versées au-delà de cette période. Le secteur du tourisme se dirigerait alors vraisemblablement vers la mise en place de vastes plans sociaux.