Déconfinement. Une lueur d’espoir pour ces couples de Barcelonais qui s’étaient retrouvés séparés alors que l’Espagne fermait ses frontières le 15 mars. Des relations à distance imposées entrainant désillusions, apprentissages et espoirs de retrouvailles. Les duos français de Barcelone témoignent.
Photo de couverture: Julie (à Barcelone) et Martin (à Agen) en appel vidéo à distance.
« On ne va pas se mentir, le confinement a été un test pour notre relation » confie Agathe*, 24 ans. Avec Rémy*, son compagnon, ils étaient sur le point d’emménager ensemble dans le quartier de la Sagrada Familia. Mais le coronavirus a contraint la jeune Poitevine à rentrer précipitamment en France, auprès de sa mère infirmière: « c’est difficile de ne pas être proche des gens qu’on aime: à chaque prolongement du confinement, on avait des baisses de moral ». Cette période à distance s’est pourtant bien déroulée: « on n’avait pas de doutes, et de plus, si l’on tenait autant de temps cela voulait dire qu’on serait prêts à s’installer tous les deux et continuer notre relation, en ressortant plus fort ».
Pour elle, « la distance apprend à énormément communiquer » et évite les malentendus: « parfois, on n’était pas sur la même longueur d’onde à cause du décalage d’information entre la France et l’Espagne. En plus il n’avait pas la télé: c’est moi qui lui ai annoncé que l’Espagne allait se confiner ».
Les scénarios à retardement, c’est ce que Margaux*, 35 ans, a également expérimenté avec son conjoint. Ce dernier était en Italie lorsque la crise du Covid s’intensifiait, il a dû y rester : « il avait une longueur d’avance sur moi. Il me conseillait en février d’acheter des masques FFP 2, tandis que j’alarmais les Français de Barcelone sur les réseaux sociaux ». Après s’être rendue aux rassemblements de la journée pour les droits de la femme le 8 mars, Margaux s’est « auto-confinée » dans son appartement du Raval. « Ce qui a été difficile dans le couple, c’est la communication par rapport au Covid: lui était plus au fait en Italie alors qu’ici, les Français étaient encore dans une logique de sortir et s’amuser » raconte-elle. La jeune femme est finalement rentrée en France juste avant la déclaration d’état d’urgence espagnole.
Au-delà des frontières
Repasser la frontière à tout prix pour rejoindre leur bien-aimé, ils sont nombreux à y avoir pensé. Agathe avait prévu de « revenir à Barcelone pendant le confinement, mais rien à faire: le bus et l’avion, deux heures après avoir été réservés, ont été annulés. On se sent un peu comme des sans papiers et sans droits dans ces cas-là, car l’Espagne ne voulait pas que je rentre » ». Même combat pour Bari*, le conjoint de Margaux qui « a dit qu’il passerait la frontière pour voler à mon secours si les choses venaient à se compliquer; il était prêt à braver vent et marées pour me retrouver, mais heureusement, aucun de nous deux n’est tombé malade ».
Pour certains Français, passer la frontière avec l’Espagne relevait parfois d’un réel parcours du combattant: « ça l’était aussi avec l’Italie, mais les chemins de contrebande ça a toujours existé, d’ailleurs je crois que son père était douanier ! » poursuit Margaux en riant.
Loin des yeux, près du cœur
Enfin, pour Christine, résidente depuis quelques mois à Gavà, une commune située à 15 minutes au sud de Barcelone, la fermeture de la frontière et le confinement ont été un obstacle pour ses projets de couple: « Damien, mon conjoint, vit à Dijon. Nous nous voyions le week-end au moins une fois par mois et notre objectif était de nous installer ici, mais là, nous avons dû reporter ». Habituée à cette relation à distance dans laquelle les rencontres sont précieuses, « désormais on passe plus de temps en appel vidéo, merci Whatsapp ! » confie-t-elle enthousiaste, bien que « le partage réel [lui] manque« . Grâce à cette situation, « nous avons créé une meilleure relation, une meilleure communication, de nouveaux liens. Le fait de ne pas bouger a permis de se consacrer davantage à l’autre ». Le confinement a donc été l’occasion pour Damien et Christine d’abolir symboliquement les 800 kilomètres qui séparent Dijon de la province de Barcelone.
Le week-end dernier, le premier ministre Pedro Sanchez a annoncé que la frontière franco-espagnole rouvrirait début juillet. « On n’y croyait plus ! » lance Christine, visiblement soulagée. De leur côté, Margaux et Bari attendront « que la vie reprenne complètement à Barcelone avant de revenir ». Agathe, elle, ne peut plus attendre et rentrera en Catalogne dès la semaine prochaine. Elle n’a pas prévenu son conjoint Rémy pour lui faire une surprise, après deux mois en confinement séparés.
(*) Ces quatre témoins ont souhaité garder l’anonymat, leurs prénoms ont donc été changés.