Depuis lundi, Barcelone entame la phase 1 de son déconfinement, qui permet la libre circulation dans toute la ville et la réouverture partielle des terrasses. Alors qu’ils sortent progressivement, les Français de Barcelone confient leurs premières impressions entre surprise, libertés, et jouissances retrouvées. Témoignages.
Photo de couverture: Virginie, David et leurs deux enfants en terrasse, dans le Born.
« On n’a réalisé qu’à 15h qu’on pouvait sortir et s’installer en terrasse. On a retrouvé un de ces rares moments de normalité qui sont devenus sacrés » raconte Virginie, enchantée. Avec sa famille, ils ont pu goûter à la liberté de s’attabler à nouveau au restaurant italien de la plaça de Sant Cugat, auquel ils étaient habitués. Installée dans le Born depuis quatre ans, ces instants de bonheur dans son quartier lui ont manqué: « on a croisé les deux punks du Born qui ont recommencé à jouer de la guitare même s’il n’y a plus de touristes, tous le monde les a applaudis, c’était vraiment chouette ».
Derrière le comptoir du Veridis.co dans l’Eixample, Thomas, le gérant du bar, remarque aussi l’euphorie régnante: « le premier jour, il y a eu un effet d’excitation pour la réouverture, les clients étaient très contents à l’idée de prendre un verre. C’était assez surprenant de voir autant de monde d’un coup ». Pour repenser leur bar de nuit qui proposait exclusivement des cocktails, Thomas et son associé ont décidé de s’adapter en ouvrant dès midi et en servant désormais thés et cafés. « On a pu mettre deux tables où l’on peut accueillir 10 personnes à la fois, mais beaucoup de gens prennent un verre à emporter et se posent de l’autre côté du trottoir » poursuit-il.
Tandis que de nombreuses idées pour son bar ont fleuri pendant le confinement, Thomas est soulagé par la reprise: « c’est un immense plaisir d’aller travailler. Je suis encore plus content de pouvoir retourner travailler que lorsque l’on nous a dit que l’on était autorisés à sortir » conclut-il. Le propriétaire est ravi de retrouver ses clients à la terrasse élargie de son bar grâce à la piétonisation d’une partie de la rue du Consell de Cent.
Quand les pickpockets aident les vieilles dames
Retour dans le Born. Lors de sa sortie au restaurant lundi, Virginie a observé une scène étonnante dans la rue: « Depuis que les touristes ont déserté le quartier, on distingue mieux les pickpockets et on apprend même à les connaître: hier, une vieille dame qui avait du mal à porter ses courses a fait appel à cet homme qui voulait lui prendre son chariot. Finalement, la dame l’a saisi par le bras pour qu’il l’aide à la ramener jusqu’à chez elle » raconte-elle, agréablement surprise de l’entraide croissante au sein du quartier. « Ça fait partie de ces petites choses qu’on (re)découvre dans le quartier, sans compter le plaisir qu’on a de retrouver ses voisins lors de dîners ».
La vie sociale reprend donc progressivement son cours, en conservant cependant le rythme et les déplacements de ces deux derniers mois: « au final, on continue à travailler à la maison et on reste dans notre quartier, on ne se fait juste plus arrêter par la police ». La semaine dernière, alors qu’elle prenait son premier bain de mer en deux mois, trois voitures de police sont arrivées sur la plage pour expulser les personnes qui ne faisaient pas de sport: « au lieu de déguerpir avec mon amie, on a nagé au large pour faire semblant de pratiquer l’aquagym » reprend-elle en riant.
« On se déconfinait déjà avant la phase 1 »
Pour Clara, résidente dans le Call, l’ancien quartier juif du Gotic, le passage en phase 1 ne l’a pas beaucoup changée: « depuis qu’on a été autorisés à se balader dans nos quartiers, je faisais des soirées clandestines chez un ami qui habite à Gracià, soit à plus d’un kilomètre de chez moi. Pour ne pas risquer de me prendre une amende, je rentrais chez moi au petit matin, dans les horaires autorisés ». Elle ne cache pas avoir dérogé à la règle et prévoit de se rendre à une soirée de 20 personnes pour clore sa dernière année d’étude à Barcelone. La phase 1 n’autorise que les rassemblements de 10 personnes maximum.
La Marseillaise de 25 ans se dit être un contre-exemple en matière de confinement. Après avoir passé deux fois la frontière franco-espagnole pendant la quarantaine pour motif urgent, vivre le déconfinement à Barcelone lui donne le goût de la liberté: « je veux continuer de voyager à travers l’Espagne et y vivre: ce confinement et ce retour en France m’ont fait me rendre compte de la chance que j’avais de pouvoir vivre ici et d’être libre de me déplacer ». Lundi dernier, après être passée par la case « esthéticienne », elle s’est précipitée chez son tatoueur qui venait de rouvrir pour inscrire sur sa peau la fleur moderniste de Barcelone, en symbole de son affection pour la capitale catalane. « Masquée, et dans les normes d’hygiène ! ».
Tandis que Clara et Virginie devront attendre un peu pour sortir de la province Barcelone, Thomas, le gérant du Veridis.co, s’impatiente d’ouvrir l’intérieur de son bar pour accueillir l’intégralité de sa clientèle.
Déconfinement: les Français de Barcelone retrouvent un soupçon de liberté