Indemnités pour les chômeurs : que fait l’État espagnol ?

CHÔMAGE ESPAGNE . La crise du coronavirus a mis à mal de nombreux secteurs professionnels. Les demandes d’indemnités chômage se sont multipliées mais, à ce jour, de nombreux paiements n’ont toujours pas été versés. Que fait l’État ? Éléments de réponse.  

3,4 millions. C’est le nombre de demandes d’allocation pour chômage partiel (ERTE* en espagnol) comptabilisées par le Ministère du Travail. Parmi toutes ces demandes, le gouvernement affirme que seulement 2 % des travailleurs concernés par l’aide n’ont pas reçu l’allocation, soit 68.000 travailleurs. Un chiffre officiel qui semble bien éloigné de la réalité. Les versements d’indemnités tardent et certains travailleurs sont livrés à eux-mêmes.

Ramon Más, propriétaire du club Wolf et du bar D9 dans le quartier Poblenou, a rapidement eu recours au ERTE. Il explique que parmi ses 53 employés, seulement 2 personnes ont reçu l’aide au mois de mars et d’avril. Le reste n’a soit rien reçu du tout, soit perçu une allocation couvrant uniquement 17 jours du mois de mars. L’entrepreneur, également vice-président du Syndicat des boîtes de nuit de Barcelone, remarque aussi que seuls les employés de son bar ont bénéficié de cette aide, mais rien pour les employés de la boîte de nuit. Le versement du ERTE semble donc totalement aléatoire.

« On est comme disparus du système » 

Les employés en attente du versement se sentent oubliés, méprisés. C’est le cas de Karina Molina, 42 ans, vivant en colocation à Sants. Originaire de Tarbes, dans les Hautes-Pyrénées, elle s’est expatriée à Barcelone il y a 11 ans, attirée par le dynamisme de la ville. Employée de l’hôtel 3 étoiles Teatre Auditori, elle est au chômage technique depuis le 17 mars. « On m’a dit que je toucherais ma part avant le 5 mai mais nous sommes le 26 mai et je n’ai toujours rien » déplore Karina.

« Dès que je consulte mon compte sur le site du SEPE** (équivalent de pôle emploi), je vois que ma demande n’a toujours pas été traitée, et pire, poursuit-elle, que je n’existe dans aucun dossier. On est comme disparu du système » poursuit-elle. À ce jour, Karina n’a aucune certitude d’être payée en juin. Sans réponse de la part du SEPE et sans aucune information du gouvernement, la patience est de mise.

« Une situation de paralysie »

Même cas de figure pour Benjamin Bourgeois, jeune expatrié français. Originaire de l’Oise, il rejoint l’Espagne en mars 2019 et travaille pour la petite entreprise Girodmedias dans la province de Gérone. Dès le 14 mars, la crise sanitaire a entraîné une suspension de ses activités à hauteur de 50 %. Le Français a donc continué à percevoir la moitié de son salaire. Le reste de ses revenus devait se présenter sous forme d’indemnités chômage, cependant, lui non plus, n’a rien reçu. Il a rapidement contacté le SEPE. Mais à ce jour, Benjamin attend toujours une réponse de leur part.

chomage espagne« J’ai l’impression que c’est le gouvernement central qui débloque ou non cette indemnité, constate le jeune expatrié, on est dans une situation de paralysie…». Contacté par Equinox, le SEPE n’a, à ce jour, pas répondu à nos questions. Le journal économique el Economista explique que le SEPE « nie toute défaillance de leur part; les erreurs proviendraient essentiellement de demandes mal complétées de la part des employeurs et d’informations fausses empêchant le traitement des dossiers ».  Une adresse mail a toutefois récemment été créée pour répertorier les doléances des Espagnols : [email protected]. 

Chômage Espagne : Solidarité et patience

Depuis 80 jours, Karina n’a donc perçu aucun revenu. Pour survivre, la native de Tarbes compte sur la générosité de son entourage : « une amie m’a donné 35 euros et une collègue de travail m’a prêté un billet de 50 €. Ça me permet de me nourrir, d’acheter quelques patates et des poivrons mais ça ne suffit pas pour payer mon loyer…».

« Que fait l’État ? Garde-t-il l’argent pour lui, s’interroge l’expatriée, on a l’impression d’être un pays du tiers-monde, je compte seulement sur la solidarité des gens. » Quant à son avenir à Barcelone, « c’est un terrain incertain, se soucie-t-elle, difficile de se projeter » . En attendant une action du gouvernement, les espagnols comptent sur la solidarité de leur entourage ou des associations de leur ville.

 

*ERTE : Expediente de Regulacíon Temporal de Empleo.
**SEPE : Servicio Público de Empleo Estatal

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