La crise actuelle a provoqué une baisse d’activité de nombreux secteurs notamment touristiques, entraînant chômage partiel et licenciements. À Barcelone, les centres d’appels sont directement impactés. État des lieux.
1005. C’est le nombre de travailleurs qui perdront leur emploi suite à la rupture de contrat d’Airbnb avec l’entreprise CPM à Barcelone. Cette dernière gérait le plus grand service client d’Europe de la plateforme de location de logements touristiques. La capitale catalane abrite de multiples centres d’appels, par lesquels les entreprises et marques du monde entier sous-traitent plusieurs services. Le secteur des call centers emploie 18.000 personnes en Catalogne, dont une majorité à Barcelone.
Airbnb travaillait depuis huit ans avec CPM, un nouveau centre avait même ouvert en 2018. L’espace de 3.500 mètres carrés dans le quartier de La Sagrera réunissait pas moins de 800 agents, de différentes nationalités répondant en neuf langues différentes. Mais la baisse de l’activité provoquée par la pandémie a stoppé net la collaboration. « C’est un drame. Airbnb a arrêté son contrat du jour au lendemain » explique Erik Carrión, responsable syndical chez CCOO Catalunya. « Je comprends qu’avec la situation actuelle, beaucoup de propriétaires retirent leurs logements du marché de la location touristique afin de les proposer aux résidents, mais de là à licencier 1.000 personnes c’est étrange ». Le Catalan est actuellement à la table des négociations. À l’issue de celle-ci, il espère une baisse du nombre de travailleurs licenciés. « Nous ne savons pas encore combien de Français seront touchés, mais CPM employait un effectif important pour Airbnb ».
Inquiétudes
Pour l’instant, le cas d’Airbnb est à part dans la capitale catalane. Durant l’état d’urgence en Espagne, les centres d’appels ont eu recours au chômage partiel (ERTE en espagnol). « Cela va des banques espagnoles à des marques européennes, comme Avis spécialiste des locations de voitures ou La Fourchette service de réservation de restaurants » précise Erik Carrión. Les entreprises peuvent en bénéficier durant toute la durée de l’état d’urgence, actuellement décrété jusqu’au 30 juin.
Toutefois, de nombreux acteurs du tourisme et syndicats ont lancé une pétition pour demander une prolongation de plusieurs mois du chômage partiel pour cas de force majeure. Si l’activité touristique ne reprend pas normalement cet été, beaucoup craignent une vague de licenciements. « L’avenir est incertain, si on ne peut pas voyager dans les prochains mois, il est difficile de savoir comment les entreprises pourront garder tout leur personnel » ajoute le responsable syndical. « Presque 100% des centres d’appels d’agences de voyages ont mis des employés au chômage partiel » explique Cássio Paz, en charge du secteur au sein de CCOO.
Pourtant, les compagnies aériennes continuent d’avoir besoin de leur service client. Ces derniers ont connu une forte activité au début du confinement et aux vacances d’avril pour gérer les annulations et changements de vols. La situation risque de se répéter pour la saison estivale ou « dès qu’il sera à nouveau permis de voyager, ça sera le chaos face à toutes les demandes » ajoute Erik Carrión. D’un autre côté, certaines entreprises n’ont pas eu recours au chômage partiel, ni aux licenciements, mais elles n’ont pas embauché comme à leur habitude. Chaque année, Booking Barcelone recrute du personnel pour sa campagne d’été, afin de répondre aux besoins de la haute saison. « Parfois le nombre d’employés est doublé en cette période, mais actuellement aucun recrutement n’a été effectué ».
Vers un nouveau modèle de travail
D’autres call centers se portent bien, comme Computa Center Espagne. Spécialisé dans le support technique, il emploie de nombreux Français. Les clients continuent d’avoir besoin de ce service ainsi l’entreprise accuse une faible baisse de son activité. Au total, soixante personnes ont été mises au chômage partiel sur les 700 employés en raison de déplacements professionnels impossibles pendant l’état d’urgence. Le directeur Christophe Charpentier explique que « la première mission a été de pouvoir mettre tous nos employés en télétravail. Une tâche accomplie en moins de deux semaines, alors que nous n’avions jamais évoqué le travail à distance. On a même fait livrer des chaises, écrans et tables pour les travailleurs qui n’étaient pas équipés. »
Deux mois après le début du confinement, il tire un bilan positif: « il a fallu s’adapter, mais aujourd’hui nous sommes satisfaits, la performance reste très bonne et beaucoup d’employés ont montré de l’intérêt à poursuivre le télétravail à long terme ». Computa Center étudie actuellement la possibilité de mettre en place cette nouvelle organisation. « Avec un tiers du personnel en télétravail, nous pouvons supprimer deux étages et réaliser plus de 600.000 euros d’économies par an » indique le directeur. Normes de sécurité, législation, contrats, tout est analysé.
Côté recrutement, l’entreprise se montre plutôt confiante pour l’avenir. Elle prévoit une campagne importante dès que le volume d’activité reviendra à la normale. Si certains secteurs comme le tourisme accusent un coup dur, d’autres comme le support technique, l’informatique ou la vente en ligne continueront à embaucher à travers les centres d’appels barcelonais.