En pleine épidémie, le personnel soignant est particulièrement exposé au Covid-19. Infirmière au centre hospitalier Pere Virgili à Barcelone et affectée par le virus, Winnie Ngoune raconte son quotidien.
Francophone et originaire du Cameroun, Winnie Ngoune travaille sans relâche depuis le début de la crise sanitaire. Comme beaucoup d’infirmières diplômées, la jeune trentenaire n’a pas hésité à prêter main forte dans la lutte contre la pandémie, en ayant conscience des risques pour sa santé personnelle.
Quelle est la situation du personnel soignant aujourd’hui, plus d’un mois après le début de la crise ?
C’est le moment où le personnel soignant tombe malade. Beaucoup de personnes sont contaminées.
Vous avez été récemment été détectée positive au coronavirus, comment avez-vous accueilli la nouvelle?
Je n’ai pas été surprise, je m’y étais préparée car c’est inévitable. Je suis en contact tous les jours avec des patients affectés, ce n’était qu’une question de temps.
Est-ce que dans votre cas la contamination a été tracée ?
C’est impossible de savoir, nous avons des patients touchés de partout. À l’hôpital le risque est plus élevé, mais j’ai pu être contaminée dans la rue en me rendant au travail, même en portant un masque.
Comment l’avez-vous vécu ?
Au début j’ai eu peur. Mais je l’ai vécu de manière positive car je n’ai pas été affectée de façon très grave. Plusieurs collègues et chefs de l’hôpital avaient également le Covid-19 au même moment, mon niveau de peur a diminué. Ce n’est pas pareil de vivre ça à plusieurs, je me suis sentie moins seule.
Comment tout s’est déroulé ?
J’ai commencé par être très fatiguée mais je me disais que c’était sûrement en raison du rythme à l’hôpital. Il y a deux semaines, je travaillais de nuit et vers 3h du matin, j’avais de violents maux de tête et des frissons je ne pouvais pas rester debout, comme si un camion m’était passé dessus. J’ai appelé ma chef, qui m’a dit de rentrer chez moi en taxi. J’ai fait le test le lendemain. Je savais que je serai positive car j’avais également de la toux et une perte de l’odorat. J’étais isolée chez moi, je me suis juste déplacée avec des gants et un masque pour faire le test et j’ai eu le résultat 24h après par téléphone.
J’ai vécu la procédure comme tous les patients atteints. J’ai dû appeler mon centre de santé quand j’étais en attente du test afin d’obtenir un arrêt de travail, puis à nouveau quand j’ai eu le résultat pour les informer. J’ai dû préciser que je fais partie du personnel de santé. Toutes ces informations sont prises en compte par les autorités pour les chiffres sur la situation.
Lors de l’annonce du résultat, on te rappelle quels sont les symptômes du Covid-19, que tu n’as pas le droit d’aller à l’hôpital sauf en cas de problèmes respiratoires très importants mais il faut téléphoner avant, que les symptômes se gèrent à la maison en prenant du paracétamol, que tu n’as pas le droit de sortir car c’est puni par la loi. Il y a également des questions sur l’entourage, si personne ne peut faire de courses pour le patient il est informé des personnes volontaires.
Êtes-vous inquiète pour les prochaines semaines ?
Au début de la crise, on travaillait au front, on devait faire face à des vagues de patients avec un grand manque de matériel. Aujourd’hui c’est différent, le nombre de cas est en amélioration, on est bien préparés et équipés. Je suis juste inquiète car maintenant c’est le personnel sanitaire qui tombe malade, mais c’est une situation qui est inévitable, on ne peut pas la contrôler.
Dans mon cas je vais beaucoup mieux. Mon travail est une vocation donc je vais reprendre dès que je serai autorisée. Dans tous les métiers il y a des risques, ce n’est pas pour autant qu’il faut arrêter. Aucun de mes collègues ne dira “je ne retourne pas à l’hôpital”.
Vous sentez-vous toujours soutenu par la population ?
Les choses ont changé c’est dommage. On se sent soutenus par la majorité. Concernant la minorité, je la comprends, c’est la peur et l’ignorance qui provoquent le rejet. Il faut que les gens soient conscients qu’on a besoin du personnel soignant et qu’il faut nous soutenir. Et si un jour ils sont malades, nous serons là pour prendre soin d’eux car tout le monde le mérite.