Depuis le début de la quarantaine, le quotidien de nombreux foyers espagnols a radicalement changé, de nouvelles routines se sont mises en place pour faire face à une situation inédite. Mais qu’en est-il pour ces familles qui vivent avec un enfant autiste?
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«Le plus difficile pour ces enfants, c’est la perte des repères qui peut avoir lieu en début et en fin de confinement, explique Amandine Colin, psychologue spécialisée en enfance et famille à Barcelone, la difficulté est plus pour les parents qui doivent trouver de quoi les occuper car les centres d’intérêt sont restreints» . Dans le quartier du Baix Guinardo, Annique vit dans une maison avec son fils Manel, autiste. Très créatif, le garçon de 8 ans ne semble jamais s’ennuyer. Le confinement se passe plutôt bien car suite à un début d’année scolaire difficile, Manel préfère rester tranquillement à la maison où il y a un hamac et un trampoline qui lui permettent d’avoir assez de stimulations sensorielles. Annique et son ex-conjoint Abel, père de Manel, sont des astrophysiciens reconvertis en experts simulations numériques.
Instaurer une routine
Les enfants n’ayant plus d’école ni de vacances, et presque plus de contacts avec les copains, c’est la mise en place d’une nouvelle routine qui aidera les parents à faire face aux frustrations de leurs enfants. De plus l’angoisse en espace clos et la perte des repères habituels peuvent augmenter et faire surgir des crises peu maîtrisables. Amandine Colin précise ainsi que «les difficultés rencontrées s’accentuent si la situation de la famille était déjà difficile auparavant» (situation socio-économique précaire). Elle recommande aux parents de fournir de nouveaux repères à leurs enfants comme par exemple «proposer un planning avec pictogrammes pour présenter de façon la plus ludique qui soit le programme de la journée, heure du petit déjeuner, classe, temps libre…».
La psychologue souligne aussi l’importance de dédier différents endroits de la maison à certaines activités, comme par exemple utiliser une pièce pour les loisirs, une autre pour la détente: «il faut recréer une structuration de l’espace dans la maison». Pour pouvoir assurer une routine viable alors qu’elle travaille de chez elle, Annique a changé le rythme de Manel. «Je le couche plus tard pour pouvoir travailler le matin tôt pendant qu’il dort. Nous faisons deux séances courtes de devoirs l’après-midi et j’intercale mes réunions entre. Assez sportif j’avoue!» confie-t-elle.
Garder le contact
Bien qu’il soit compliqué pour les thérapeutes de poursuivre leur travail de soutien avec les enfants, Amandine Colin insiste et affirme qu’«il est important de garder le lien avec le référent, même si ce n’est qu’un court contact visio». Il est donc essentiel de maintenir le contact avec son entourage, thérapeutes, éducateurs, amis, pour permettre à l’enfant de garder un lien avec ce qu’il connaissait afin de le sécuriser. La maman de Manel déclare qu’elle a peu de soutien. « Nous ne recevons d’aide que de l’association Aprenem, les grands-parents étant tous loin, explique-t-elle, normalement quatre thérapeutes de l’association lui apportent un accompagnement scolaire de 20 heures par semaine en total. Avec le confinement tout ceci est réduit à une heure de conseils par Skype de la part de la coordinatrice des thérapeutes».
Pour Annique, le problème principal est que les enfants autistes requièrent énormément d’accompagnement, de patience mais également d’outils d’apprentissage que les parents doivent bricoler en permanence pour les adapter. Cette pression peut peser très lourd sur des parents qui cumulent souvent d’autres préoccupations à l’heure actuelle. «Il serait nécessaire que les thérapeutes puissent intervenir à domicile en particulier chez les autistes sévères et chez les jeunes autistes» confie-t-elle.
Les sorties
Depuis fin mars, les sorties sont exceptionnellement autorisées pour les autistes et la thérapeute explique que les familles concernées doivent présenter une longue liste de documents à la police lors d’un contrôle. De plus, elle indique que certains parents ont subi une forme de discrimination lorsqu’ils sortaient avec leur enfant dans la rue et qualifie l’acte comme « mal vu » par le voisinage. Un moment de détente qui finit par être très mal vécu par des parents particulièrement sensibles en ce moment. Annique ne se retrouve pas actuellement confrontée à ce problème car il est recommandé à son fils de ne pas sortir: «notre fils n’est pas sorti depuis 27 jours car il ne comprendrait pas qu’il ne puisse pas aller faire de la balançoire et il voudrait rester une heure à faire de la trottinette sur les trottoirs, une frustration qu’il ne supporterait pas… ».
Amandine Colin précise que dans une situation aussi atypique que celle-ci il est important que les parents restent attentifs et qu’ils puissent remarquer le moindre changement de comportement chez leurs enfants car bien que le confinement ne risque pas d’aggraver les troubles des enfants autistes, il est possible qu’il modifie quelque peu leurs attitudes. Pour la maman de Manel, le plus difficile maintenant est de ne pouvoir donner une date de fin de confinement à son fils car le sentiment d’incertitude est très mal à supporter pour les autistes.