Ce sont les côtés positifs de cette période de crise. Le confinement provoque des rencontres inattendues, fait naître des amitiés et tisse des liens nouveaux entre voisins. À Barcelone et en province, la vie de quartier se réinvente à distance grâce aux élans de solidarité en commun. Récits de Français à la rencontre de leur voisinage.
« C’est un évènement qui a complètement changé ma façon de cohabiter ». Alice, 28 ans, autoentrepreneuse dans le tourisme, est confinée à Urgell avec Tatiana, sa nouvelle colocataire colombienne. Jusqu’à lors, elles occupaient cet appartement sans jamais avoir pris le temps de se connaître, compte tenu de leurs horaires incompatibles. Durant le confinement, elles ont pu se découvrir et se rendre compte qu’elles ont de nombreux points communs. Mais les rencontres vont au-delà de la colocation.
« Tout a changé lorsqu’au début du confinement, une vieille dame a fait un malaise dans la cage d’escalier de notre immeuble. Ma coloc m’appelle pour venir la secourir. À ce moment-là, un autre voisin arrive pour nous aider à la transporter en attendant l’ambulance » raconte Alice. La jeune fille se rend compte que le voisin en question est français: « dans le hall nous discutons, on apprend qu’il a des colocataires qui connaissent le reste de l’immeuble, et de fil en aiguille nous créons un groupe WhatsApp géant avec presque tous nos voisins ». Renommé « Covid-2020 Urgell », les habitants font connaissance et s’entraident à travers le groupe de discussion. Ils prévoient déjà de faire une fête sur leur terrasse communautaire à la fin du confinement: « on sait qu’un jour on va enfin pouvoir se rencontrer et on se dira « Ah c’est toi Frédérique! » ».
Enchantée, la Française a refait la décoration de sa chambre et est devenue amie avec sa colocataire: « c’est vraiment une étape super positive car avant le confinement, je ne me sentais pas chez moi, j’étais de passage, rarement chez moi, maintenant tout a changé ». Elle termine: « à la fin du confinement, ça va être la folie, j’ai hâte de passer du virtuel au réel ».
Rendez-vous quotidiens
Michael est un ancien DJ et animateur radio. Il vit à Mont Roig del Camp, un petit village dans la province de Tarragone situé à une heure de Barcelone. Il a connu ses voisins au début du confinement en mettant de la musique à son balcon après les applaudissements: « ça a permis de briser la glace, maintenant je connais tout le voisinage et on fait des apéritifs tous les jours, à 13h et à 20h ». Il constate un grand engouement du quartier « ça a pris une si grosse ampleur, au point où on a tiré des câbles entre les immeubles pour faire des hauts-parleurs, et on a sorti lasers et machines à fumer. Ici c’est Tomorrowland à 20h ».
Le Belge installé depuis six ans en Catalogne note une solidarité croissante au sein de la population: « il y a une cohésion sociale qui était déjà présente en Espagne mais qui s’est amplifiée avec la crise. Je vis seul, mais aujourd’hui je ne me sens pas seul, je sais que j’ai des gens autour de moi ». Tandis que son appartement s’est transformé en scène de DJ set, Michael est comblé: « cette partie festive et bon enfant permet d’extérioriser et décompresser dans cette situation inédite » ajoute-il. « De plus la police est très tolérante avec ce qu’on fait, et les ambulanciers ont même défilé dans nos rues pendant qu’on faisait du bruit pour eux, c’était un bel hommage collectif ».
Des cadeaux spontanés
De son côté, Pauline, confinée seule dans un appartement à Poble-sec, a trouvé une occupation qui lie l’utile à l’agréable: « comme beaucoup d’autres Françaises de Barcelone, j’ai passé mon week end à confectionner des masques. J’en ai fait une vingtaine et les ai offert à tous mes voisins. » À leur grande surprise, « certains voulaient me donner de l’argent en échange. J’ai même une voisine qui était émue, la larme à l’oeil: elle voulait sortir depuis longtemps et avait besoin d’un masque. Une autre voisine m’a donné des chutes de tissu ». La Bretonne connaît aujourd’hui tout l’immeuble et a proposé un apéritif à ses voisins à la fin de la quarantaine. « Le confinement est l’occasion de réinterpréter sa vie de quartier » dit-elle en repensant à la plaça del Sortidor de Poble-sec, où les familles avaient l’habitude de se retrouver.
« Je me suis aussi portée volontaire pour faire du dog-sitting sur l’application Tibiboo et résultat, j’ai rencontré une Française qui habite à deux pas de chez moi ». Comme bien d’autre barcelonais, elle devra attendre la fin du confinement pour rencontrer sa voisine. Une belle occasion alors que la saison de la fête des voisins, qui se célèbre habituellement fin mai, approche à grand pas.