Après trois semaines en quarantaine, les Français de Barcelone et alentours racontent comment se déroulent leurs journées, entre les enfants, le travail et le moral. Témoignages.
Photo de une: Céline, Mathias, Anaïs, Bastien et Colin
“J’aime bien être à maison, je peux suivre la progression des tulipes” raconte Léna 7 ans. “Parfois ça me manque de sortir faire de la trottinette” ajoute sa soeur Eva, 10 ans. “Elles jouent beaucoup ensemble et passent du temps sur notre petite terrasse” raconte Françoise. La famille réside au centre d’Esplugues de Llobregat, en banlieue de Barcelone. “Je suis devenue cuisinière et maîtresse d’école. Entre aider mes filles à faire leurs devoirs, préparer les repas et tenir la maison, il ne me reste plus beaucoup de temps. » Mais le confinement n’est pas si bouleversant pour elle: « j’ai l’habitude de m’occuper des filles et mon mari Olivier est régulièrement en télétravail comme maintenant. Le point positif, c’est que nous n’avons plus vraiment de contraintes horaires, on sait juste qu’on applaudit tous les soirs à 20h pour remercier le personnel soignant”.
Du côté du Born à Barcelone, Isabelle et sa petite famille vivent également plutôt bien la situation. “C’est moins difficile que ce que je craignais. On trouve nos marques. En revanche l’ambiance à l’extérieur est anxiogène, je sors qu’une fois par semaine et je n’aime pas ça. À la maison, on essaye de rire et s’amuser le plus souvent possible” explique la Française actuellement en télétravail. Son mari auto-entrepreneur accuse une baisse de son activité professionnelle, il s’occupe des devoirs des jumelles de 11 ans. “Elles comprennent très bien la situation. Le plus dur fut leur anniversaire le 17 mars, fêté tous les quatre à la maison. On fait en sorte qu’elles soient en contact avec leurs copines presque tous les jours. J’ai mis en place un planning quotidien avec travail et détente. Et avec toutes les ressources disponibles il y a de quoi faire !” positive Isabelle.
Garder le moral
Dans cette situation inédite, les parents font preuve de courage, comme Victoria. Cette Française d’origine russe vit avec sa fille de 13 ans et sa mère invalide dans le quartier de Pedralbes. « Avant je déposais ma fille au lycée français, je partais travailler et une personne venait à la maison s’occuper de ma mère. Depuis le confinement c’est moi qui m’en charge. Je suis en télétravail pour l’instant, mais je vais bientôt perdre mon emploi. J’ai dû adapter mes horaires, afin de pouvoir préparer les repas pour tout le monde ».
Cette commerciale aide également sa fille à faire ses devoirs. « La culture a vraiment une place importante chez nous, ma fille joue du piano et fait de la danse. Après une journée d’école, elle nous fait des démonstrations, on chante, lit des poésies toutes les trois, c’est très sympa ». Mais ce n’est pas tous les jours facile confie Victoria: « Un membre de ma famille à Paris est décédé du Covid-19 la semaine dernière, et nous ne pouvons pas assister aux funérailles. Je n’ai rien dit à ma fille pour ne pas encore plus l’inquiéter. On évite de trop regarder les informations pour rester positif. L’état d’esprit de la maison dépend du mien ».
« Avec un bébé en bas âge, c’est forcément assez remuant ». Installé depuis huit ans à Cornellà de Llobregat, Colin habite dans un appartement avec sa femme Céline et leurs trois enfants, Anaïs 5 ans, Bastien 4 ans et Mathias 2 mois. « Depuis dix jours, notre fille habituellement très calme et raisonnable fait des crises de colère inhabituelles, elle explose pour des motifs futiles. Nous sentons bien qu’elle est assez nerveuse ». Le couple essaye de doser au mieux autorité et indulgence. « Nous-mêmes sommes également fatigués, mais il faut redoubler de vigilance pour éviter d’accumuler notre tension à leur excitation” raconte le père de famille.
Colin et Céline ont instauré un programme type dès le début afin que les enfants conservent un rythme. “Pour ma part, je travaille comme je peux, dans mon bureau-chambre de bébé plusieurs heures par jour. Je reste néanmoins disponible, c’est peut-être le plus dur à comprendre pour les enfants, que papa est là sans être vraiment avec eux. En un sens, il faut faire preuve de résilience ». Le Français ajoute qu’il faut rivaliser d’imagination pour sortir de la routine. « Malgré tout, ma fille m’a dit récemment que « toutes les journées se ressemblent », ça m’a serré le cœur. »
Penser à l’après
Eve se pose des questions sur le futur. Actuellement en confinement, avec sa fille Chantal de 7 ans et son compagnon Pierre-Yves, elle voit cette situation comme une opportunité, « j’espère que cette crise nous aidera à changer, en devenant plus solidaires car nous sommes dans une époque où l’individualisme prime. On souhaite une vie meilleure pour nous, en tant que famille, couple et aussi pour notre société ». Pour la Française, c’est un moment de réflexion, d’apprentissage et d’enrichissement intellectuel « on se plaint toujours de vivre dans le stress, sans avoir le temps de profiter des gens qu’on aime ou juste prendre le temps de savourer et laisser vaguer ses idées. »
À Cornellà de Llobregat, Colin s’inquiète de l’avenir:« je passe par des phases d’optimisme à d’autres d’angoisses. Les conséquences sur l’économie, la santé psychique, et ce qui sera notre nouvelle normalité me préoccupent. À Barcelone, le tourisme et la restauration ont une importance primordiale, et cette crise va laisser beaucoup de gens sur le carreau ». A plus long terme, le Français se demande dans quel monde grandiront ses enfants. « Mais je reste optimiste, nous nous relèveront, tous ensemble, et peut-être cette situation extrême débouchera sur un monde meilleur » conclut-il.