Être une femme dans un monde d’hommes. Plusieurs domaines professionnels abritent une majorité d’hommes, comme au sein des Mossos d’Esquadra. La police catalane abrite 21% de femmes. Rencontre avec cinq d’entre elles, au Commissariat de la Police de la Generalitat à Barcelone.
Photos: LS/Equinox – Mossos d’Esquadra
“Nena, tu veux boire un verre”, “ah deux filles, merci vous avez bien travaillé”. Vanessa, agent de la police scientifique aux Mossos d’Esquadra, a entendu ces phrases à maintes reprises lors d’inspections. Elle travaille depuis plus de dix ans au sein de la police catalane. Parmi les 78 agents de la police scientifique à Barcelone, elles sont 18 femmes. “Si on est deux femmes, on va toujours nous analyser, alors que si je suis accompagnée d’un collègue masculin, les victimes ne me demandent rien, ils ne font aucune réflexion” ajoute-t-elle.
Pour Yolanda, 43 ans, agent au sein de la sécurité citoyenne, il lui arrive de ressentir la discrimination, même accompagnée d’un homme. “Dans certaines cultures, la femme a un rôle inférieur. Durant une intervention, un habitant pensant de cette façon n’a pas voulu que je continue mon travail, il m’a écarté car j’étais une femme. Sauf que les citoyens doivent comprendre qu’ils ont face à eux un policier, qu’il n’y a aucune différence entre le fait qu’il soit un homme ou une femme.” Ses collègues masculins réagissent différemment dans ce genre de situation. “Parfois ils font exprès de me mettre en avant auprès de ces collectifs pour normaliser les femmes policières, ou alors d’autres me mettront de côté pour éviter d’envenimer la situation”. Dans son commissariat barcelonais, il y a plus de 40% de femmes. Cette spécialité des Mossos d’Esquadra en compte le plus grand nombre.
En effet, une telle représentation n’est pas généralisée dans tous les services de police. Monica et Esther travaillent pour la police routière. Elles font partie des 76 femmes en Catalogne, sur un total de 1200 agents. La première est la seule inspectrice. Toutes deux expliquent que pour intégrer leur spécialité, il est obligatoire d’avoir le permis moto de grosses cylindrées, un obstacle pour beaucoup.D’ailleurs, elles entendent souvent la réflexion “ça va aller avec la moto?”.
« Il faut savoir que tous les policiers de la circulation l’ont déjà faite tomber, avec un petit changement de gravité elle se retrouve au sol. Ça m’est arrivé dans un commissariat de village, tout le monde disait “la policière a fait tomber sa moto”. Si c’était un homme, il n’y aurait pas eu de sujet de conversation” raconte Monica. Toutefois, selon elle “il ne faut pas y donner trop d’importance, la société et les mentalités évoluent lentement”. La Catalane a intégré la première promotion des Mossos d’Esquadra, “on était que trois femmes, on se sentait observées”. S’il lui manque encore aujourd’hui des collègues féminines, il lui manque surtout des femmes haut gradées explique-t-elle.
Un travail commun
Pour intégrer le corps de la police catalane, les épreuves sont les mêmes pour tout le monde, hommes comme femmes. “Toutes les femmes peuvent les réussir” affirme Esther. Au quotidien, les tâches se répartissent de la même façon, sans différence.
Anna a 42 ans et fait partie de la Brigada Móbil, spécialisée dans le maintien de l’ordre public et comparable à la police antiémeute en France. Elle est l’unique caporal féminin, parmi les 497 agents en Catalogne, dont seulement 26 sont des femmes. Pour y entrer, le niveau des épreuves physiques s’avère très élevé, mais elles se réussissent en étant bien préparée. “On mesure beaucoup la force. Je crois que c’est pour cette raison que les femmes ne sont pas attirées par cette spécialité. Dans mon cas j’ai grandi avec des frères et j’adore le sport, donc ça me correspondait. Ce n’est pas un problème de travailler en équipe et passer plusieurs heures dans un véhicule avec des hommes” explique-t-elle. Elle va également en première ligne aux manifestations s’il le faut, mais elle précise que l’utilisation de la force reste rare dans le quotidien d’un policier antiémeutes contrairement aux idées reçues. Des missions de protection et d’assaut sont plus courantes.
Si la Barcelonaise semble parfaitement intégrée, elle reconnaît qu’il s’agit de l’endroit le plus compliqué pour défendre sa féminité. Ses acolytes ont parfois tendance à vouloir la protéger plutôt que de l’aider “c’est du paternalisme, ça part d’un bon sentiment alors qu’il faut me voir comme leur égal”. En vingt ans de carrière, Anna voit tout de même une évolution positive: “quand j’ai commencé on me donnait toujours la radio et un papier comme si j’étais la seule à avoir été à l’école, on disait les hommes aiment moins écrire.”
Les cinq policières affirment que leurs collègues ne remettent jamais en question leurs compétences, la confiance est installée grâce aux nombreuses années de travail ensemble. Mais doivent-elles plus s’imposer au quotidien car elles sont des femmes? « Oui ! » s’exclament-elles en choeur. Pour Anna, “notre principal handicap c’est d’être minorité, on est toujours sous les projecteurs, pour le positif ou le négatif. Mais forcément on parle plus du négatif. Les hommes sont tranquilles en arrivant au travail, ils passent plus inaperçus. On ne va pas relever leurs erreurs”. De côté de la Sécurité Citoyenne, la tendance s’inverse parfois. « Les hommes se sentent menacés si nous sommes plus de femmes dans une pièce » ajoute Yolanda.
La dernière promotion des Mossos d’Esquadra comptait 31% de femmes, un chiffre au-dessus de la moyenne actuelle au sein du corps policier. « On a besoin d’être plus de femmes pour arriver à l’égalité » conclut Vanessa.