Tous les premiers mercredis du mois, la librairie française Jaimes nous recommande les dernières nouveautés et événements littéraires à Barcelone, sous la plume acérée du libraire Christian Vigne.
Photos: Josep Miron
La question de savoir quel est votre auteur préféré se complique lorsqu’on la pose à un libraire qui perfidement, et selon qu’elle soit posée en début ou en fin de mois répondra « celui qui se vend le plus » ou « celui qui se vend le moins », d’abord pour faire le malin, puis dans la perspective sans doute irréaliste que le deuxième cité entre dans la première catégorie.
Il est sans doute plus facile de répondre à la question de savoir quel est notre livre préféré, sans quoi il faudrait imaginer que notre auteur préféré fût celui qui ne nous a jamais déçus, celui dont l’œuvre entière aurait trouvé grâce à nos yeux et disons-le tout de go, cet auteur-là n’existe pas.
Et parmi les vaines questions qui peuplent mon cerveau, celle de savoir si son auteur préféré est nécessairement celui qui a écrit le livre de notre vie, occupe un espace trop important et il n’est sans doute pas nécessaire que j’expose ici mes pathologies. Je cesse donc immédiatement.
La perturbation vient de ce que « Vie de Gérard Fulmard », de Jean Echenoz m’a d’abord désarçonné. À tel point, que refusant la déception- qui n’était pas non plus palpable- je l’ai relu aussitôt après l’avoir lu. Gérard Fulmard, victime de circonstances qui le dépassent et l’accablent, est obligé de réinventer sa vie. Aussi installe-t-il un bureau de détective privé, profession pour laquelle il n’a strictement aucune compétence, mais qu’importe, on verra bien. Ce qu’on verra c’est ce glissement vers la profession à la contestable honorabilité d’homme de main d’un parti, grâce à Dieu, mineur. Or, Jean Echenoz, dont l’œuvre habituellement minimaliste s’empare de la grammaire, la tord, la ciselle et la dompte semble être sorti de son propre genre pour nous proposer une histoire dont l’origine est un big-bang causé par un boulon échappé d’une explosion et l’explosion persiste jusqu’à la dernière page. Jean Echenoz est entré dans sa cinquième dimension et c’est magistral.
« L’homme qui pleure de rire », de Frédéric Beigbeder nous promet de s’attaquer à la dictature du rire, fermant un cycle sur les aliénations contemporaines au rang desquelles on a trouvé la tyrannie publicitaire et l’obligation faite aux femmes d’être belles. L’exercice est né d’une prestation radiophonique parfaitement ratée, transformée dans ce livre en un satire d’une société qui cherche à tout prix à se distraire. Le diagnostic est incontestable, l’écriture est légère, l’ironie permanente, le fond désespéré. Beigbeder, en somme.
Une BD. « Piscine Moliltor », de Cailleaux et Bourhis autour de Boris Vian dont le centenaire de la naissance sera célébré le 20 mars de cette année. Les derniers instants de la vie de ce créateur constant, permanent, protéiforme que la nage n’aura pas sauvé. Et s’il est vrai que notre vie défile dans son intégralité au moment de notre mort, il n’est pas impossible que ce déroulement ait pris la forme de cette BD.
En bref
Beigbeder, encore lui, sera à l’Institut français le 20 février à 19h30 à l’occasion de la traduction de son livre « Une vie sans fin ».
Et Jérôme FERRARI lui succédera le 24 février pour la traduction de « À son image », toujours à 19h30.
Jaimes, en association avec Mireia PORTA, traductrice et spécialiste du genre organise un cycle de conférences sur la littérature haïtienne les premier et troisième vendredi de chaque mois. Première séance le 7 février.
Le samedi 8 février, atelier pour enfant de 3 à 6 ans à midi à la librairie de Sarria et à 17h30 à celle de la rue Valencia autour de « Léonard, le mouton qui ne voulait pas être tricoté ».