Le premier Conseil des ministres du nouveau gouvernement socialiste, Podemos et communiste a lieu ce mardi. Crise catalane, réforme de la justice, sécurité, fiscalité, logement sont les dossiers brûlants sur la table du nouvel exécutif.
22 ministres du parti socialiste, de la gauche radicale et du parti communiste entrent aujourd’hui en fonction, et en théorie pour quatre ans.
Catalogne
Dans les grands chantiers qui attendent le nouvel exécutif, le plus complexe est sans nul doute le conflit territorial entre la Catalogne et le reste de l’Etat espagnol. Pedro Sanchez a pu être investi Premier ministre grâce aux parlementaires de la gauche indépendantiste catalane. La base de l’accord entre Madrid et Barcelone réside dans l’éviction de la justice dans les affaires politiques.
Concrètement, la gauche indépendantiste espère une loi d’amnistie rayant d’un trait de plume la sentence et les poursuites judiciaires contre Carles Puigdemont, son gouvernement, l’ancienne présidente du parlement catalan et les leaders associatifs. L’amnistie consisterait en une annulation des peines de prisons, inéligibilité, amendes et sanctions en tous genres. Une loi qui ridiculiserait le pouvoir judiciaire espagnol. Face aux puissants réseaux conservateurs qui accusent Pedro Sanchez de détruire l’Espagne suite à son flirt avec les indépendantistes, le Premier ministre fait montre de prudence. Le nouveau ministre de la Justice est Juan Carlos Campo, un juge qui vient du sérail et dont la nomination vise à rassurer les secteurs de l’intelligentsia espagnole inquiets du mouvement indépendantiste en Catalogne. Campo est un ami personnel de Manuel Marchena, l’influent juge du tribunal Suprême qui a présidé le procès des indépendantistes.
Du côté de l’Intérieur la musique semble la même. Fernando Grande-Marlaska rempile à la tête du ministère qu’il a dirigé pendant toute la période intérimaire de Pedro Sánchez. Les indépendantistes réclament sa comparution devant le parlement pour expliquer les actions musclées de la police pendant les émeutes à Barcelone en fin d’année dernière.
Economie
Le second thème sur la table gouvernementale est l’économie. Le dernier gouvernement socialiste en date est celui de José Luis Zapatero en 2010 dans un pays lourdement frappé par la crise économique. Dès lors, la droite politique et médiatique a amalgamé progressisme avec banqueroute. Le cru socialiste de 2020 parait encore plus acide dans la bouche des conservateurs alors qu’il est aromatisé par les saveurs gauchistes de Podemos. Pour contrebalancer, les ministères compétents en la matière sont dirigés par des profils centristes. La vice-présidente Nadia Calviño spécialiste de l’Union Européenne avec ses entrées à Bruxelles sera chargée d’obtenir son feu vert.
Sans tomber dans l’austérité, le gouvernement espagnol sera en harmonie avec les grandes lignes de Bruxelles. La ministre du Budget présentera des comptes très lisses devant l’Union européenne, Maria Jésus Montero sort de l’organisation mondiale du commerce. La réforme des retraites sera pilotée par José Luis Escrivá, économiste espagnol connu pour sa modération. Les mesures les plus sociales du gouvernement résideront dans des augmentations modérées du SMIC, des pensions de retraites et des salaires des fonctionnaires.
Logement
Pablo Iglesias, chef de Podemos et vice-président des affaires sociales, devra tenter de résoudre un des problèmes les plus désagréables de la vie en Espagne : la jungle de la location immobilière. Dans un pays où la grande majorité des habitants sont propriétaires, le locataire se retrouve sans aucune protection. Notamment au moment du renouvellement du bail locatif où le propriétaire peut augmenter sans limite aucune le prix du bien.
L’absence de régulation autour des tarifs des loyers crée dans les grandes villes, Barcelone en tête, une inflation surréaliste rendant l’accès au logement de plus en plus compliqué. Face aux lobbies immobiliers espagnols, le gouvernement aura une marge de manœuvre étroite.
Fiscalité
Sous l’impulsion de la gauche radicale, la hausse des impôts semble être plus facile à mettre en place. Une grande réforme fiscale est prévue avec une hausse de l’impôt sur les revenus pour les contribuables dépassant les 300.000 euros annuels. L’impôt sur les sociétés sera également corrigé à la hausse.
Sécurité
En matière de sécurité, le gouvernement prévoit une réécriture de la loi de sécurité intérieure votée par les conservateurs en 2013. Une nouvelle version avec moins de pouvoir pour la police est à l’ordre du jour.
Education
Dans le domaine de l’éducation, le gouvernement a annoncé une offensive contre les écoles privées catholiques, thème ultra sensible. L’exécutif souhaite que la matière de l’enseignement religieux ne puisse plus compter dans les résultats du bac. Face au secteur catholique, le gouvernement pourrait rapidement faire marche arrière.
La polémique loi pour défendre l’enseignement en langue espagnole dans les établissements catalans devrait être abrogée.
Franquisme
Sur le plan du symbole, le gouvernement devrait mettre en oeuvre l’illégalisation de la Fondation Francisco Franco qui glorifie l’oeuvre gouvernemental du dictateur. Le 31 octobre deviendra également journée nationale des victimes de la dictature espagnole.