Après 9 mois de gouvernance par interim, le socialiste Pedro Sanchez obtient la confiance du parlement avec une coalition de gauche radicale et grâce notamment aux indépendantistes catalans. Un climat de crispation venu des secteurs conservateurs et libéraux enveloppe le nouveau gouvernement espagnol.
Pedro Sanchez devient officiellement premier ministre de l’État espagnol. Le socialiste, pour dégager une majorité, agglutine autour de sa personne toutes les forces politiques se situant à la marge de l’actuel système espagnol. Sanchez a réussi à obtenir le soutien de Podemos (gauche radicale), Esquerra Republicana de Catalunya (indépendantistes de gauche catalans) , Catalunya en Comu (le parti d’Ada Colau), le Parti Nationaliste Basque (régionaliste centristes basques), Bildu (extrême-gauche indépendantiste basque), Bloc Galego (extrême-gauche indépendantiste de Galice), Compromis (extrême-gauche de Valence), ainsi que les régionalistes des Canaries et de l’Aragon. Pedro Sanchez a été investi de justesse avec seulement deux voix de plus que les forces qui s’opposent au nouveau gouvernement : les trois droites conservatrice, libérale et radical, et l’indépendantisme catalan proche de Carles Puigdemont.
Journée de première fois
Un parlement coupé en deux qui fait de Pedro Sanchez le chef de gouvernement le plus mal élu depuis 1978. Journée de première fois à Madrid avec le baptême du feu de la gauche radicale qui accède au pouvoir en obtenant quatre ministères, fait inédit au sein de la jeune démocratie espagnole. Ce 7 janvier signe également le retour de l’indépendantisme catalan dans le jeu politique espagnol depuis la déclaration d’indépendance d’octobre 2017. Le séparatisme se scinde en deux à l’occasion de cette investiture. La gauche d’Oriol Junqueras (en prison depuis deux ans) prête ses 13 députés pour que Pedro Sanchez puisse dégager sa majorité. A l’inverse les 7 députés de droite du parti de Carles Puigdemont sont dans l’opposition frontale envers Madrid dans le pur style de l’automne 2017. Deux stratégies de l’indépendantisme qui seront départagées par les Catalans lors des prochaines élections en 2020 pour la présidence de la Generalitat.
Les régionalistes basques sont parmi les grands gagnants de la journée en obtenant un droit de regard sur la politique fiscale de la législature, la décentralisation de compétences vers le gouvernement local et le retrait de la police espagnole dans la gestion du trafic routier en Navarre.
Crispation
La gauche radicale dans les ministères, les indépendantistes catalans sous les ors des institutions madrilènes, la réhabilitation de Bildu parti proche de l’ancienne organisation terroriste ETA, la décentralisation basque : le vase conservateur déborde. Les partis de droite, les médias conservateurs et les réseaux libéraux craignent que cette coalition détruise l’unité de l’Espagne, ruine l’économie et mette un terme au régime monarchique. Un dernier point partagé en privé par la maison royale.
Pour autant Pedro Sanchez ne roule pas sur une autoroute fluide, comme le dénoncent les conservateurs. La majorité parlementaire est étroite. Le socialiste devra trouver une sortie de crise en Catalogne de concert avec les partis indépendantistes s’il ne veut pas être lâché en cours de route. Les contre-pouvoirs médiatiques, institutionnels, juridiques sont en alerte pour se tenir en embuscade contre le premier ministre qui est invité à respecter scrupuleusement le cadre légal de la constitution espagnole.