Le socialiste devrait être investi Premier ministre avec une coalition très à gauche et avec les indépendantistes catalans. Un accord qui sème le trouble en Espagne et en Catalogne.
Après une double élection législative et 9 mois de gouvernance par intérim faute de majorité, Pedro Sanchez devrait devenir Premier ministre avec les pleines fonctions en obtenant la confiance du parlement. Le socialiste, pour dégager une majorité, agglutine autour de sa personne toutes les forces politiques se situant à la marge de l’actuel système espagnol.
Les républicains de la gauche radicale de Podemos opposés à l’actuelle monarchie espagnole obtiendront la vice-présidence de l’exécutif et quatre ministères. Pour le premier gouvernement de coalition de l’histoire moderne de l’Espagne, Podemos a obtenu l’application d’une partie de son programme : augmentation des impôts, hausse du smic et encadrement du prix des loyers. Un des soutiens les plus polémiques de ce futur gouvernement de Pedro Sanchez est la gauche indépendantiste catalane (ERC). Un pacte entre les socialistes et le parti d’Oriol Junqueras qui fait couler beaucoup d’encre des deux côtés de l’Ebre. A Madrid et dans l’Espagne centrale, les droites ragent contre « le bradage de l’unité de l’Espagne ». En Catalogne, les indépendantistes les plus musclés et les amis de Carles Puigdemont estiment qu’ERC affaiblit l’indépendantisme en garantissant le pouvoir au socialisme sans grande contrepartie. D’autant plus que vendredi soir, la commission électorale a ordonné la destitution du président catalan Quim Torra, proche de Carles Puigdemont. Une décision qui met encore plus la pression sur ERC, déjà qualifié de « traître à la cause » par les secteurs les plus nerveux de l’indépendantisme. La chute de Torra pourrait provoquer des élections anticipées en Catalogne et mettre dans une position délicate ERC suite à son flirt madrilène.
Les régionalistes basques, également opposés à l’actuel ordre constitutionnel, sont parmi les grands gagnants de la négociation. En échange de son soutien à Pedro Sanchez, le Parti Nationaliste Basque a obtenu un droit de regard sur la politique fiscale de la législature, un transfert de compétences vers le gouvernement local et le retrait de la police espagnole dans la gestion du trafic routier en Navarre. Les régionalistes des Canaries, les indépendantistes de Galice, l’extrême-gauche de Valence apportent également leur soutien à Pedro Sanchez.
Opposition
La coalition très à gauche et décentralisée territorialement rencontre un nombre élevé d’opposants. Le parti socialiste en premier lieu est mal à l’aise suite à l’accord passé avec les indépendantistes catalans. C’est le cas du PS au pouvoir dans l’Espagne rurale en Castille et Aragon. Les milieux économiques et patronaux ont déjà fait part de leur opposition à la politique fiscale définie par Podemos.
Les secteurs traditionnellement conservateurs en Espagne comme la justice, la police et l’armée sont inquiets. Les hautes instances juridiques craignent que le verdict du procès contre les leaders indépendantistes soit annulé en raison de la porosité entre le futur exécutif et les partis catalans. La police espagnole craint quant à elle un démantèlement de sa présence sur le territoire au profit des polices régionales. Le transfert de compétences en Navarre va dans ce sens. Une politique chargée de laxisme sème également le trouble alors que Barcelone connait une vague de délinquance depuis plus d’un an. L’Armée enfin, est probablement le secteur le plus conservateur de l’État espagnol. Nombres d’anciens hauts gradés sont élus dans le parti d’extrême-droite de Vox. Fulgencio Coll Bucher, ancien géneral en chef de l’armée de terre de 2008 à 2012, a publié la semaine dernière une tribune dans El Mundo, estimant que Sanchez est une menace pour la sécurité nationale espagnole que l’article 100.2 de la Constitution permet de poursuivre le futur premier ministre pour haute trahison.
Le long processus d’investiture parlementaire de Pedro Sanchez aura lieu durant tout le week-end pour s’achever par le vote final mardi, lendemain du jour férié des Rois (Épiphanie).