Mercè Rodoreda est une écrivaine barcelonaise connue mondialement pour ses œuvres. Equinox’Elles a remonté le temps pour comprendre son immense impact sur la littérature catalane.
La Plaça del diamant à Gracia avec sa célèbre statue “la Colometa” ou encore les jardin de Rodoreda dans le quartier de Sarrià-Sant Gervasi. A Barcelone, ces endroits rendent hommage à Mercè Rodoreda. Trente-six ans après sa mort, ses œuvres sont toujours au goût du jour et l’écrivaine barcelonaise semble bien présente dans l’esprit des Catalans.
Célèbre, entre autres, pour ses romans La plaça del diamant ou encore Aloma qui ont été traduits en plus de 40 langues, elle est l’une des autrices catalanes les plus connues mondialement du XXe siècle. Notamment en raison des thèmes abordés dans ses romans tels que l’identité catalane ou les ravages de la guerre qui ont encore une résonance très forte. Malgré son succès, l’écrivaine a vécu une vie des plus agitées. En cause notamment, la période franquiste et ses exils en France et en Suisse. Et en dépit de ses voyages forcés, son cœur est toujours resté attaché à Barcelone.
“C’est un peu notre Victor Hugo à nous” sourit Marta Viñuales, membre de la fondation de Mercé Rodoreda, organisme sous l’égide de l’Institut des Etudes Catalanes. L’imposant bâtiment en pierres abrite de nombreuses archives relatives à la vie de l’autrice, mais également l’intégralité des ouvrages qu’elle a publié.
Ses œuvres sont très souvent choisies comme objets d’études par les jeunes Espagnols. La Plaça del diamant est une des lectures obligatoires pour les élèves passant un bac littéraire. Si à cause de la guerre civile, Mercè Rodoreda n’a pas vécu une grande partie de sa vie à Barcelone, une chose est sûre : elle a profondément eu un impact sur le monde de la littérature catalane. “Les chercheurs qui travaillent sur son héritage littéraire sont unanimes : elle a un style d’écriture d’une force rare. Lorsqu’on ouvre un de ses livres, on sait que c’est elle qui l’a écrit” explique Marta Viñuales.
Maîtresse dans l’art du symbolisme, elle s’inscrit désormais dans la lignée des auteurs européens qu’elle a toujours admirés, de Tolstoï à Proust, sans oublier Virgina Woolf et James Joyce.
Barcelone, loin des yeux près du cœur
Née en 1908 à Barcelone, Mercè Rodoreda a grandi dans une famille éprise de littérature. Mariée avec son oncle, de 14 ans son aîné, elle s’ennuie et se réfugie dans l’écriture avant de divorcer. De cette union, elle donnera naissance à son unique fils. En 1939, comme grand nombre d’artistes catalans, elle se réfugie en France pour échapper à la dictature de Franco.
“Même si elle était loin, elle a toujours continué à écrire sur Barcelone et la Catalogne, elle y parlait des quartiers, de la vie là-bas, comme si c’était une manière de faire revivre ses souvenirs” raconte Marta Vinuales. Mercè Rodoreda a gardé un lien très fort avec Barcelone, elle y a laissé son fils et sa mère. L’autrice pensait s’exiler seulement pour peu de temps et revenir vivre en Espagne. Très régulièrement, les deux femmes s’écrivaient des lettres pour ne pas perdre contact, ce qui inspirait Rodoreda pour ses écrits.
Une vie d’héroïne de roman
“On peut dire que j’ai vécu comme il faut vivre c’est-à-dire dangereusement” affirmait Mercè Rodoreda. A l’instar de personnages de romans, l’écrivaine a vécu une vie de réfugiée politique en se déplaçant au gré des guerres. En effet, alors qu’elle est installée à Paris, elle est une nouvelle fois obligée de s’exiler, cette fois-ci à Genève, pour fuir les bombardements de la seconde guerre mondiale. Cette expérience dramatique la pousse à trouver une profonde maturité humaine et littéraire.
“Mercè a été très forte. Cette période a été bouleversante pour elle. Dans un de ses écrits, elle décrit des scènes d’une violence absolue. Elle marchait dans les rues d’Orléans, détruites sous les bombes, avec des corps à ces pieds” explique Marta Viñuales.
Outre les romans, Mercè Rodoreda a également écrit des poèmes, des scènes de théâtre ou encore des contes. Elle a même réalisé des peintures et des collages. Un de ces domaines d’activité demeure méconnu du grand public, raconte Marta Viñuales: “pendant longtemps, Mercè Rodoreda gagnait de l’argent non pas avec ses livres mais grâce à la couture. Elle était douée dans ce domaine et vendait les vêtement qu’elle confectionnait”.
Mais la carrière de l’écrivaine prend un autre tournant en 1962, à Genève lorsqu’elle écrit son roman le plus célèbre : la Plaça del diamant. Pour ne pas déroger à la règle, il reprend le décor de Barcelone, plus précisément le quartier de Gràcia. Il raconte l’histoire de Colometa, une femme qui a vu sa vie brisée par la guerre civile espagnole. L’héroïne du livre reste une figure collective et raconte à elle seule l’histoire de Barcelone. En 1972, Mercè retournera finalement en Catalogne. Mais à 74 ans, installée à Gérone, elle succombera d’un cancer.
“Son dernier roman est vraiment un résumé de sa vie” sourit avec nostalgie Marta Viñuales. L’ultime livre qu’elle a écrit avant de mourir avait un titre pour le moins évocateur : Tant et tant de guerres.
Aller plus loin
La Fondation Mercè Rodoreda accueille une exposition gratuite sur les œuvres de l’écrivaine catalane jusqu’au 31 décembre 2019. De 8h30 à 20h du lundi au jeudi, 8h30 à 18h30 le vendredi. Carrer del Carme, 47, 08001 Barcelona (métro Plaça Catalunya).