Grandes manœuvres politiques à Madrid pour former un gouvernement espagnol formé d’une coalition entre les socialistes et Podemos. 

« Comme 95% d’Espagnols, je dormirais mal la nuit si nous avions des ministres de gauche radicale«  expliquait le 20 septembre dernier dans une interview télévisée le premier ministre socialiste Pedro Sanchez. Aujourd’hui, mardi 12 novembre, Pedro Sanchez vient de signer un accord offrant la vice-présidence de son gouvernement au chef de la gauche radicale, Pablo Iglesias. Comme l’expliquait la semaine dernière sur Equinox la journaliste Mar Casanovas, l’expression catalane « canviar de jaqueta – retourner sa veste » est un grand classique de la politique espagnole. A ce niveau-là, nous sommes cependant dans un cas d’école.

Sanchez et Iglesias se détestent politiquement et humainement. Les élections de dimanche ont eu lieu car les deux hommes n’ont pas réussi, pendant 6 mois, à trouver un accord gouvernemental alors qu’ils disposaient de 164 sièges. Après la débâcle de dimanche, il ne reste plus que 155 sièges aux deux formations. En 48 heures, Sanchez et Iglesias se sont vus, écrit un programme commun, se sont serrés dans les bras, et ont signé un pacte gouvernemental.

socialistes et podemos madridAprès avoir dépensé 130 millions d’euros pour organiser une seconde législative qui a vu l’entrée de 52 parlementaires d’extrême-droite au parlement, les deux gauches pactisent comme elles auraient pu le faire fin avril dernier.  La surprise est d’autant plus de taille que Pedro Sanchez a mené une campagne électorale à droite toute.

La gauche indépendantiste catalane face à son destin

Pour mener son opération à bon port, Sanchez et Iglesias devront rallier à leur cause les parlementaires basques et les nombreux divers gauches régionalistes du parlement, ce qui ne devrait pas poser grand problème. Ainsi pourrait se former un bloc de 172 députés. Pour être investi premier ministre il faudra à Sanchez plus de votes parlementaires positifs que de négatifs. L’opération nécessite donc la bénédiction des indépendantistes catalans. Les 8 élus de Carles Puigdemont et les 2 de la Cup voteront non. Ce sont donc les modérés de la Gauche Républicaine (ERC) qui auront le dernier mot.

Il est clair que l’ancien vice-président de la Catalogne et chef d’ERC Oriol Junqueras est personnellement favorable à cette investiture qui se traduirait probablement par une amnistie pour sortir de prison. Politiquement, ERC est en faveur du dialogue et de la négociation avec Madrid et il ne serait pas illogique d’investir le duo Sanchez-Iglesias pour ouvrir une sortie de crise. Avec son oreille droite, ERC écoute les bruits de couloir du parlement de Madrid, mais garde son oreille gauche pour entendre la rue catalane réticente à ce type d’accord surtout après l’indépendantisme-bashing auquel s’est livré le socialisme pendant toute la campagne électorale. Mais ERC voit aussi à moyen terme. Au premier semestre 2020 auront probablement lieu les élections anticipées du parlement de Catalogne où ERC sera en concurrence directe avec la droite de Carles Puigdemont. ERC pourrait, elle aussi, « canviar de jaqueta » pour quitter le bloc indépendantiste et pactiser un futur gouvernement catalan en coalition avec les socialistes et Podemos.

Socialistes, Podemos et ERC dans une coalition à Madrid comme à Barcelone. Une symétrie institutionnelle parfaite entre les gouvernements espagnols et catalans, mais particulièrement impopulaire dans la rue et les cercles intellectuels locaux.

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