(photo de couverture issue du dossier d’instruction de l’audience nationale : un des détenus indépendantistes brandissant une arme dont on ignore si elle est réelle ou non)
L’audience nationale espagnole a filtré à la presse le dossier d’instruction des terroristes catalans présumés arrêtés en septembre dernier. Ces derniers affirment qu’ils planifiaient une action pour enfermer, avec son consentement, le président de la Catalogne dans le parlement.
Une cellule des Comités de Défense de la République (CDR), ces groupements anonymes en partie à l’origine des blocages de routes et transports en Catalogne depuis 2017, était disposée à fabriquer des bombes, à agir contre les institutions de l’État, à abattre des membres des Mossos d’Esquadra ou à envoyer des colis piégés dans les casernes de la Guardia Civil. L’opération faisait partie de la réponse que souhaitait apporter une partie de l’indépendantisme radicalisé au verdict judiciaire le 14 octobre dernier. C’est en tous cas ainsi qu’elles sont décrites dans le dossier d’instruction du juge Manuel García Castellón qui a abouti à l’arrestation de neuf de ses membres présumés à la fin du mois de septembre dernier. Sept d’entre eux sont toujours en détention. Ce rapport complet de neuf volumes, dont le secret a été levé il y a une semaine, est dévoilé depuis hier par la presse espagnole à 96 heures des élections législatives.
Le 14 octobre, ce groupe des CDR avait prévu d’assaillir le parlement de Catalogne, une demande qui aurait été formulée par le président de la Catalogne en personne selon l’un des détenus, Ferran Jolis. Ce mis en examen affirme qu’un mouvement bourgeois, puis la présidence de la Generalitat elle-même, ont demandé des conseils au CDR pour savoir si l’enfermement de Torra pendant une semaine dans le parlement pour protester contre le verdict était un scénario viable.
Globalement, le dossier d’instruction dont la levée du secret par le juge reste éthiquement douteux, est un grand « brainstorming » de la liste ce que les indépendantistes radicalisés pourraient apporter comme réponse le jour de la publication du verdict contre les leaders catalans. Pêle-mêle, les CDR ont discuté de mener des actions contre les tours électriques de Catalogne, de Madrid et Saragosse; envoyer des colis piégés dans les casernes de la Garde civile ou attaquer les Mossos d’Esquadra pour les neutraliser.
Le dossier d’instruction dévoile également les interrogatoires et les mises sur écoute des suspects. Dans les conversations interceptées, les membres des CDR ont suggéré d’ouvrir les bouches d’incendie des pompiers «pour créer le chaos» ou de mener une action à l’aéroport «présentant des caractéristiques similaires à celles de Hong Kong». L’idée de bloquer la ronda de Dalt de Barcelone jusqu’à l’aéroport avec 200.000 véhicules aurait été abordée. Le dossier d’instruction montre également que pour financer leurs activités, les CDR compteraient avec la complicité d’hommes d’affaire et d’industriels, « qui ont accès sans soupçon à l’acquisition de matériel comme de la paraffine». Dans une conversation, l’un des détenus, Jordi Ros, indiquait avoir l’intention d’acquérir 200 kilos de ce matériel.
Carles Puigdemont pointé du doigt
En plus de Quim Torra, la police espagnole pointe du doigt l’ancien président Carles Puigdemont. Plusieurs membres des CDR auraient eu une réunion secrète avec la sœur de l’ancien président Carles Puigdemont. Selon la police, il s’agissait d’une réunion « in itinere » dans un véhicule en mouvement avec la sœur de Puigdemont, dans laquelle du matériel « ultra confidentiel » aurait été livré.
Cette opération s’inscrivait dans le cadre de mesures de sécurité exceptionnelles, caractéristiques d’organisations criminelles ou terroristes relate la police: véhicules de navette, véhicules de surveillance arrière, télécommunications sécurisées. Cette réunion a été confirmée par les interventions téléphoniques des enquêtés et réaffirmerait les soupçons de liens entre les détenus et Puigdemont et Torra par des intermédiaires. La réunion s’est tenue le 20 septembre et a été organisée et planifiée par les CDR « dans le but de fournir des documents sensibles et d’établir des communications sécurisées » entre Puigdemont et Quim Torra, selon l’un des procès-verbaux du tribunal.
L’indépendantisme offusqué
Dans un communiqué officiel publié aujourd’hui, Quim Torra dément totalement ces informations et affirme n’avoir jamais eu aucun contact avec les CDR. Dans son ensemble le mouvement indépendantiste condamne la divulgation de ce dossier d’instruction démontrant le peu de fiabilité juridique de l’État espagnol. Les mouvements indépendantistes rappellent que le dossier d’instruction est techniquement à charge, qu’il n’est pas révisé par les avocats des mises en cause qui ont fait des déclarations sous pression.
L’indépendantisme rappelle que beaucoup de citations sont sorties de leur contexte, que les audios et vidéos des inculpés sont volontairement raccourcis à quelques minutes. Et surtout, le dossier sort à quatre jours des élections législatives dont la Catalogne et sa vague insurrectionnelle ont marqué la campagne.