A Barcelone, il n’est pas rare de croiser des vendeurs de bières ambulants. Toni l’un d’entre eux a accepté de répondre à nos questions.
Toni*, 31 ans, est originaire du Pakistan. Depuis maintenant six ans, il a quitté sa famille et ses amis afin de trouver un meilleur avenir à Barcelone. Dans son pays, le jeune homme était peintre mais faute de moyens, il a été contraint de changer de vie.
Pour s’en sortir dans la capitale catalane il est devenu vendeur de bières ambulant. Même si les “Paki-beers” font partie du paysage de la ville, on passe souvent à côté d’eux sans les regarder. Toni a accepté de dévoiler les coulisses de son travail et de nous raconter une partie de son histoire.
Comment s’est passée ton arrivée à Barcelone ?
C’est par nécessité que je me suis installé à Barcelone. Même si je dois avouer que j’ai toujours été attiré par l’Espagne. Dans mon entourage au Pakistan, je connaissais plusieurs personnes qui avaient fait le choix de partir là-bas. Je pense avoir beaucoup idéalisé Barcelone. C’est à 25 ans, faute de travail dans mon pays, que je suis venu ici. J’ai très vite appris la langue. Le plus dur, c’est de ne pas avoir eu de papiers tout de suite. Ce fut très difficile de les avoir.
J’ai un permis de séjour seulement depuis un an et demi, alors que je suis arrivé il y a six ans. Un ami m’héberge mais en échange, je dois lui donner une grande partie de ce que je gagne, donc j’ai du mal à m’en sortir. Maintenant que j’ai des papiers je vais trouver un autre travail, je pense par exemple à la restauration.
Combien gagnes-tu en moyenne en une soirée ?
C’est très variable, entre 15 et 20 euros par soirée. Je travaille de 21h à environ 4h du matin. C’est vraiment compliqué pour vivre, ce n’est pas suffisant. Surtout depuis deux ans, avec les manifestations on a énormément perdu, les touristes viennent moins se balader en soirée. Avant cela tournait plus aux alentours de 25 euros. Pour subvenir à mes besoins je suis parfois obliger de vendre d´autres choses en m’adaptant aux situations. Par exemple, des jouets lumineux les après-midis avant Noël ou encore des drapeaux catalans dans les manifestations indépendantistes.
As-tu des techniques pour vendre plus facilement ?
Oui, après tout c’est un métier de commercial comme un autre, en plus il y a beaucoup de concurrence donc j’essaye parfois de me démarquer. Pour ma part j’essaie de ne pas trop être insistant avec les clients et je suis le plus empathique possible. La dernière fois j’ai rencontré un jeune homme dans la rue, je l’ai interpellé en disant : “ Oh mais ca fait longtemps que l’on ne s’est pas croisés, qu’est-ce que tu deviens mon ami ?”. Bien évidemment je ne l’avais jamais vu, mais cela l’a fait rire alors il m’a acheté une bière. Sinon je fixe aussi des prix bas pour les canettes. C’est-à-dire un euro mais si la personne n’a que 70 centimes souvent j’accepte de lui vendre.
C’est vrai que les bières sont stockées dans les bouches d´égout?
Tout dépend des vendeurs, mais en général, oui c’est la seule façon de les conserver fraîches. On ne peut pas non plus les garder sur nous, cela serait suspect si la police nous voyait. Mais on les nettoie lorsqu’on les sort des égouts pour qu’elles soient tout de même propres.
Un vendeur ambulant sort des bières de la bouche d’égout.Comment fais-tu pour éviter de te faire prendre par la police ?
Il n’y a pas de technique précise mais je dois toujours être sur mes gardes. Souvent même si on travaille chacun à notre compte, on constitue des petits groupes pour surveiller plusieurs endroits à la fois. Personnellement, même si j’ai l’habitude, je suis toujours un peu stressé dès que j’entends une moto je me dis que ça peut être la police et je cache mes bières. Mais normalement, la police ne peut intervenir que si on est en plein acte de vente de bières.
*prénom modifié