Tous les 15 octobre, les indépendantistes commémorent Lluis Companys, le président catalan assassiné par l’armée franquiste. Au lendemain du verdict condamnant les anciens ministres de Puigdemont à la prison ferme, le rendez-vous gouvernemental sur la tombe de Companys au cimetière de Montjuic laisse une saveur amère.
« Ils ont l’intention de criminaliser l’indépendance en voulant que le peuple de Catalogne abandonne non seulement la lutte démocratique mais aussi les expressions, les mots. L’utilisation de mots est en jeu ; nous ne pouvons plus parler du droit à l’autodétermination « a déclaré ce matin le président de la Generalitat de Catalogne Quim Torra devant la tombe de Lluis Companys. « Nous le referons car un référendum n’est pas un crime, cela n’est pas prévu dans le Code pénal; nous insisterons pour dire que le droit à l’autodétermination est reconnu dans les traités internationaux reconnus par le royaume d’Espagne » a précisé le président accompagné des membres de son gouvernement. Devant la Fossar de Santa Eulàlia au cimetière de Montjuïc. Torra a exigé que l’Espagne fasse une déclaration adressée à la Catalogne et à l’Europe reconnaissant le crime d’Etat de l’Etat espagnol contre Companys ».
Lluís Companys se fit connaître comme activiste de gauche, ce qui lui valut d’être arrêté une quinzaine de fois par la police. En 1906, il participa à la création de Solidaritat Catalana et devint par la suite président de la section politique de l’Union fédérale nationaliste républicaine. Une première fois élu aux législatives de 1920, il devint député de Sabadell. Companys fut par ailleurs, membre exécutif du parti Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), qui existe encore aujourd’hui et forme une partie du gouvernement de Catalogne.
Novembre 1933. Élections générales en Espagne avec un panorama politique éclaté où aucun parti n’obtient une claire majorité. De fait, la droite soutient un gouvernement du radical Alejandro Leroux. Une situation qui ne convient pas au très gauchiste président catalan Lluís Companys. Il considère qu’avec ce gouvernement il ne sera pas possible de développer les nouvelles compétences de la Generalitat. La jeune institution catalane avec seulement deux ans d’existence, devait collaborer activement avec le gouvernement central pour développer ses infrastructures locales. Avec l’exécutif catalan et espagnol aux antipodes, le premier choc institutionnel eu lieu en avril 1934 quand le parlement, avec la majorité d’ERC, vota une loi particulièrement défavorable aux propriétaires agricoles. La Lliga, parti catalan conservateur d’opposition, quitta le parlement catalan et demanda à Madrid de rendre cette loi inconstitutionnelle et de la suspendre. Le conseil constitutionnel de l’époque annula la loi catalane en juin 1934. Le gouvernement de Companys désobéit à l’Etat espagnol en représentant la loi au parlement catalan et la fait voter à nouveau, sans retirer le moindre article.
La déclaration au balcon de la Generalitat
Dans ce climat d’anarchie, particulièrement puissant en Catalogne, où tous les ponts sont rompus avec l’Espagne, le 6 octobre 1934 à 20h, le président de la Catalogne Lluís Companys sort au balcon du Palau de la Generalitat pour proclamer l’Etat Catalan de la République fédérale espagnole.
La proclamation est reçue comme une déclaration unilatérale d’indépendance par l’Espagne et l’armée prend le contrôle de la Generalitat le lendemain même. Non organisée, non planifiée, sans soutien des syndicats, la République de Companys est morte-née. Pendant les combats, courts mais intenses, 64 personnes ont perdu la vie et 252 furent blessées.
Aussitôt le président Companys et son gouvernement sont incarcérés aux côtés d’un millier de rebelles et condamnés à une peine de 30 ans de prison. Mais avec l’arrivée du front populaire au pouvoir, Companys fut gracié et reprend le pouvoir en qualité de président de la Generalitat. L’expérience prendra fin avec la victoire du général Franco, lors de la guerre civile espagnole qui instaura une dictature et abolira de facto la Generalitat de Catalunya. Companys s’exilia depuis le col de Lli, à La Vajol pour se réfugier à La Baule-Escoublac, en Bretagne. Mais il fut retrouvé par la Gestapo en France et livré à la dictature militaire franquiste le 13 août 1940.
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Jugé et condamné par un tribunal militaire, il fut, après avoir été torturé, fusillé au château de Montjuïc à Barcelone le 15 octobre 1940 en criant le devenu célèbre “Per Catalunya”.
L’héritage de Lluís Companys
La France a officiellement présenté ses excuses pour l’arrestation de Lluís Companys, ce que n’a jamais voulu faire l’État espagnol. Le procès de Companys est considéré aujourd’hui comme une parodie de jugement. Le parlement de Catalogne a d’ailleurs légalement annulé le jugement de Companys ainsi que tous les procès initiés par les forces franquistes.
Lluís Companys est aujourd’hui une figure mythique de l’indépendantisme. Scène mythique, beaucoup d’indépendantistes ont vu dans la proclamation de l’indépendance du 27 octobre dernier comme la suite du processus entamè par Companys. D’ailleurs, après la séance parlementaire du 27 octobre, la foule attendait que le président Puigdemont se présente de nouveau au balcon du Palau de la Generalitat, plaça Sant Jaume, pour revendiquer l’indépendance comme l’a fait son prédécesseur. Il n’en fut rien comme l’histoire l’a démontré par la suite.