Lundi, la Catalogne et l’Espagne vont vivre un moment unique dans leur histoire respective. Le Tribunal suprême livrera son verdict dans l’affaire du référendum et de la déclaration d’indépendance d’octobre 2017. Les rues de Barcelone seront en ébullition. 

Si le parquet a demandé des peines records entre 17 et 25 ans pour les anciens ministres de Carles Puigdemont,le tribunal pourrait être plus clément. Les procureurs, pour justifier de telles peines, estiment que le délit de « rébellion » a été consommé. Pour retenir cet article du code pénal, il faut que des faits de violence eut été commis. Selon la presse espagnole, les juges du Tribunal suprême, refusent cette thèse. Par conséquent, le délit tomberait d’un échelon pour atterrir sur une action de « sédition ».  Des peines qui seraient alors comprises entre dix et quinze ans de détention.

L’option intermédiaire serait d’ajouter à « sédition », le délit de « complot pour rébellion ». Une peine de 7 ans de prison supplémentaire pourrait être additionnée. Pour retenir « complot pour rébellion », il n’y a pas non plus besoin que le tribunal reconnaisse que les auteurs ont utilisé la violence dans leurs actions.

Il apparaît clair que la prison ferme est inévitable pour les leaders indépendantistes. Les principaux auteurs de la déclaration d’indépendance resteront derrière les barreaux, la plupart sont en prison préventive depuis deux ans. Simultanément à la publication du verdict, le tribunal réactivera le mandat d’arrêt contre Carles Puigdemont, de manière à tenter l’extradition de l’ancien président vers l’Espagne pour être incarcéré et jugé.

La rue catalane en ébullition

Devant toutes ces certitudes lundi, la réaction de la rue catalane et barcelonaise est la grande inconnue. Les Comités de Défense de la République (CDR), ces micro-collectifs géolocalisés par quartiers barcelonais et villes catalanes devraient être les plus actifs pour provoquer des blocages sur les réseaux de transport routiers et ferroviaires. Les Comités de Défense de la République sont une mutation des Comités de Défense du Référendum.

Ces mini-plateformes sont nées spontanément fin septembre 2017 avec pour but de sécuriser les écoles pour que le référendum puisse avoir lieu. Depuis le 27 octobre et la stérile déclaration d’indépendance, les collectifs se sont donnés pour mission de défendre l’implantation de la République catalane. Une odeur de souffre se répand autour des CDR, depuis que neuf militants sont poursuivis par la justice espagnole, dont sept sont incarcérés pour une présomption de terrorisme.

Les CDR ne sont absolument pas organisés hiérarchiquement. Pour tenter d’être le plus efficace dans les différents blocages, l’indépendantisme a mis sur pied une nouvelle plateforme:  Tsunami Democràtic. Dans le plus grand des secrets, le Tsunami Democràtic tente de structurer les CDR.

L’association Assemblea Nacional de Catalunya (ANC) appelle de son côté les militants et sympathisants indépendantistes à « faire du bruit » dès que la sentence est connue. Klaxonner pour les automobilistes ou taper sur des casseroles pour ceux qui seront chez eux.

Des rassemblements sont également prévus à 20 heures devant toutes les mairies de Catalogne. L’ ANC organise également cinq marches pendant trois jours à partir de la publication du verdict. Des marcheurs qui partiront de Gérone, Vic, Berga, Tàrrega et Tarragone pour converger vers Barcelone.

Effet pas forcément garanti

Concernant la réussite des actions des réseaux indépendantistes, il y a deux précédents. Le 1er octobre 2017, des militants bénévoles ont déployé un important dispositif clandestin désorganisé pour cacher les urnes en France, près de Perpignan et les amener presque une par une dans les bureaux de vote du référendum. Au nez et à la barbe des 6.000 policiers espagnols envoyés sur le territoire catalan. Le gouvernement catalan a discrètement aidé aux transits des urnes. Tout comme aujourd’hui, les services de la présidence de Quim Torra et quelques ministères apportent une aide pratique aux CDR.

Si cette opération a démontré la puissance des militants indépendantistes, les autres actions d’envergure annoncées par les CDR et l’ANC ont été un pétard mouillé. Le blocage général de la Catalogne, annoncé le 21 décembre dernier pour protester contre la venue du gouvernement espagnol à Barcelone a été un fiasco. Les Mossos d’Esquadra ont empêché tout blocage d’envergure. La commémoration du référendum, mardi dernier, a également été d’un calme olympien, bien loin de la tension annoncée.

Le ministère catalan de l’Intérieur est lui aussi sous pression. Le ministre Miquel Buch doit faire de l’équilibrisme. Ne pas envoyer les Mossos d’Esquadra charger des manifestants protestant contre des peines de prison, que tout le gouvernement catalan considère comme une injustice. Simultanément, les Mossos ne peuvent pas perdre le contrôle du territoire. En quelques heures seulement, le Premier ministre Pedro Sánchez, en campagne électorale peut signer un décret pour que Madrid prenne le contrôle de la police catalane.

Face à cette nouvelle journée historique dans le conflit catalano-espagnol, un nouveau point de non-retour peut être franchi.

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