Lundi, les leaders indépendantistes connaîtront le verdict des juges. Ils encourent des dizaines d’années de prison.
L’Espagne et la Catalogne sont à l’aube d’écrire l’une des pages les plus chargées de leur histoire. Dans quelques heures, le Tribunal suprême, la haute cour de l’État espagnol rendra son verdict dans l’affaire politique du processus d’indépendance de la Catalogne.
Lors du procès, l’accusation du procureur a eu la main lourde en proposant aux juges de retenir le délit de rébellion qui inclut l’usage de la violence. Dans ce type de configuration l’ancien vice-président catalan Oriol Junqueras risquerait jusqu’à 25 ans de prison. Selon la presse espagnole, le Tribunal Suprême pourrait finalement être moins sévère et retenir uniquement le délit de sédition. De fait, les peines seraient réduites pour osciller dans les eaux d’une dizaine d’années de détention pour chaque mis en examen. La sédition est l’échelon juste en-dessous de rébellion. Dans ce cas, le tribunal estimerait que le gouvernement catalan a tenté de déstabiliser l’ordre constitutionnel lors du processus indépendantiste mais sans utiliser la violence, exclue de la définition légale du délit de sédition.
L’option intermédiaire serait d’ajouter à « sédition », le délit de « complot pour rébellion ». Une peine de 7 ans de prison supplémentaire pourrait être additionnée. Pour retenir « complot pour rébellion », il n’y a pas non plus besoin que le tribunal reconnaisse que les auteurs ont utilisé la violence dans leurs actions.
La feuille de route indépendantiste
Depuis 2011 à l’actualité, le gouvernement catalan tente de se séparer de l’Espagne. La tension espagnole et l’excitation catalane n’ont cessé de monter pendant six ans. 60 mois où la Generalitat (le gouvernement catalan) n’a eu cesse de réclamer à Madrid l’organisation d’un référendum légal portant sur l’indépendance de la Catalogne. A chaque campagne électorale, les partis souverainistes annoncent que la déconnexion avec l’Espagne est au coin de la rue.
Le climax de ce conflit s’est produit à l’automne 2017. Face au refus de Madrid d’organiser une consultation d’autodétermination, début septembre de cette année, la majorité parlementaire indépendantiste passe deux lois: celle encadrant l’organisation d’un référendum non autorisé par l’Espagne le 1er octobre 2017 et un texte prévoyant la séparation de l’Espagne en cas de victoire du oui. Des textes législatifs immédiatement invalidés par le Tribunal constitutionnel espagnol. Peu importe, le gouvernement Puigdemont continua les préparatifs du référendum. 6.000 policiers espagnols débarqués à Barcelone sont partis à la chasse aux urnes, bulletins de vote et cartes électorales. Nerveux, le gouvernement espagnol n’a pas hésité à opérer des descentes dans les bureaux des médias catalans pour empêcher manu militari la diffusion de publicité gouvernementale appelant au vote.
Rassemblement devant la vice-présidence
Un des tournants de l’affaire a eu lieu le 20 septembre, quand la police espagnole a perquisitionné la vice-présidence catalane afin de démanteler la salle des machines préparant le référendum. Des dizaines de milliers d’indépendantistes se sont alors massés devant le siège de la vice-présidence bloquant la Rambla Catalunya et empêchant de sortir les fonctionnaires de justice. Un blocus qui dura de midi à tard dans la nuit.
Du sang et des urnes
Malgré une pression extraordinaire, la Generalitat a réussi à organiser son référendum le 1er octobre 2017. En plein cœur de l’Europe du XXIe siècle, une journée électorale s’est déroulée avec du sang dans les urnes. Les 6.000 policiers espagnols ont frappé, bousculé, chargé et gazé une foule de votants majoritairement composée de personnes âgées et de familles. Bien sûr, le oui a gagné avec le score soviétique de 90.18 %, une valeur légale nulle et sans reconnaissance par aucune instance internationale sérieuse.
Comment dès lors, expliquer qu’il a fallu envoyer 6.000 agents de police espagnole en tenue anti-émeutes pour stopper un vote fantaisiste ? La réponse du gouvernement et du parquet espagnol sera sommaire et simpliste: si le vote n’avait pas été organisé par la Generalitat il n’y aurait eu ni police ni violence.
Barreaux
Le couperet va tomber. Après deux ans de prison préventive, les ministres du gouvernement Puigdemont Jordi Turull (porte-parole), Joaquim Forn (intérieur), Raül Romeva (affaires étrangères), Josep Rull (aménagement du territoire) et Dolors Bassa (travail) ; l’ancienne présidente du parlement Carme Forcadell et les leaders associatifs Jordi Sanchez et Jordi Cuixart risquent de vivre lundi l’annonce la plus glaçante de leur existence.