À Barcelone, la sécurité est au cœur des débats. La mort d’une jeune femme début septembre, après avoir été poignardée dans une discothèque de la plage, relance à nouveau la question.
Equinox a passé au crible les phrases les plus entendues, à l’aide de chiffres et paroles de spécialistes.
« Barcelone est la ville la plus dangereuse d’Espagne »
VRAI. Le taux de délinquance s’élève à 120 délits pour 1000 habitants en 2018, selon le récent bilan du ministère de l’Intérieur. Il s’agit du taux plus élevé d’Espagne. 99.942 infractions pénales ont été enregistrées entre janvier et juin 2019, soit une hausse de 8,2% par rapport à la même période l’année dernière. Pour la police catalane, cette augmentation des chiffres traduit une hausse des actions de la police et des arrestations.
À Madrid, le taux est bien plus faible: 75 délits pour 1000 habitants en 2018. Toutefois le nombre d’infractions pénales y a aussi augmenté de 5,9% entre le premier semestre 2019 et le premier semestre 2018.
« Barcelone est l’une des villes les plus dangereuses d’Europe »
FAUX. Le taux d’homicides à Londres, Berlin et Bruxelles s’avère plus élevé. Albert Batlle, adjoint à la sécurité de Barcelone, estime d’ailleurs qu’on ne peut pas parler de « tendance à la hausse » des homicides. Entre janvier et mi-septembre de cette année, il y a eu trois homicides de plus qu’en 2018. Des sources des Mossos d’Esquadra expliquent à Equinox que « la plupart des homicides sont liés à des histoires de drogue, il n’y a pas un tueur qui se balade dans la ville ».
Selon le dernier classement de l’ONU du taux d’homicides volontaires dans le monde, l’Espagne arrive en bas de tableau à la 206e position sur 224, avec un taux de 0,63 pour 100 000 habitants. En Belgique il s’élève à 1,95; en France à 1,35; au Royaume-Uni à 1,20 et en Allemagne à 1,18.
Même si toutefois, comme l’indique le site européen de statistiques Eurostat, les comparaisons de statistiques sont à manier avec précaution, en raison des systèmes juridiques, règles de comptage statistique et taux de déclaration différents.
La Préfecture de police de Paris dresse de son côté un bilan peu positif de janvier à mai 2019. En comparaison avec la même période en 2018, les faits de délinquance ont augmenté dans tous les quartiers parisiens, excepté dans le 20e arrondissement.
« Il y a une hausse de l’insécurité »
VRAI. Les vols avec violence et intimidation ont augmenté de 30,5% et les délits contre la liberté et l’intégrité sexuelles de 11% sur le premier semestre 2019, par rapport au premier semestre 2018.
Selon une enquête publiée à la fin de l’année dernière, 25,6% des personnes interrogées disaient avoir été victimes d’un ou plusieurs délits. Il s’agit du second taux le plus haut, après les années 80, il s’élevait à 26,2% quand l’héroïne faisait des ravages à Barcelone.
« Il n’y a pas assez de policiers à Barcelone »
FAUX. À Barcelone, il y a 3264 agents de Mossos d’Esquadra sur la ville et alentours (Barcelonès), selon les statistiques 2018 du gouvernement catalan. Du côté de la Guardia Urbana, il y a 3000 agents pour Barcelone, selon un rapport de 2018. Et leur nombre devrait augmenter. Le gouvernement catalan a annoncé en ce mois de septembre 750 nouvelles places dans la police catalane. Du côté de la police municipale, Albert Battle promet 1000 nouvelles places au cours des quatre prochaines années.
Selon les données européennes d’Eurostat, datant de 2016, il y a 326 agents de police pour 100.000 habitants en France et 361 agents pour 100.000 habitants en Espagne. La zone de Barcelone se situe au-dessus de cette moyenne nationale avec 386 agents pour 100.000 habitants.
À savoir que la moyenne européenne s’élève à 318 agents pour 100.000 habitants.
« Les délinquants sont laissés en liberté »
FAUX. En Espagne, il y avait 59.678 détenus en 2016, ce qui en représente 128 pour 100.000 habitants. En France, 70.018 détenus, on atteint 103 pour 100.000 habitants.
À Barcelone, habitants et institutions se plaignent toutefois de la loi actuelle jugée « peu sévère » pour les vols en-dessous de 400 euros et se disent choqués par les récidivistes qui sont arrêtés et relâchés plusieurs fois dans la même journée. En ce début du mois de septembre, Ada Colau a insisté sur le besoin d’une réforme du Code Pénal afin de pouvoir punir avec des peines de prison les voleurs récidivistes.
« Ada Colau est responsable de la crise de la sécurité »
NI VRAI NI FAUX. Plusieurs thèses s’affrontent. A la fin de l’été Ada Colau, maire depuis 2015 de Barcelone, déclarait qu’il n’y avait pas de crise de la sécurité, seulement un » problème » de sécurité. « Barcelone est l’une des villes les plus sûres au monde » affirme-t-elle.
Eugenio Zambrano, secrétaire au syndicat CSIF et agent de la Guardia Urbana, n’a pas apprécié. “C’est une fois de plus la politique mesquine d’Ada Colau. Elle se présente comme une victime. Les véritables victimes sont les personnes poignardées, les femmes violées, les parents qui ont peur de se déplacer dans certains endroits de la ville avec leur enfant, c’est la ville elle-même. C’est un manque de respect que sa première déclaration après les vacances d’été soit celle-ci » affirme-t-il. Pour lui, la police municipale manque d’appuis institutionnels, de budget et ressources humaines. « On a besoin de mesures urgentes, les élites mettent la pression à la mairie et la Generalitat afin qu’on ne parle pas de la situation. Ils ne veulent pas mettre la marque Barcelone en danger ».
Le politologue Martin Szulman tient tout de même à nuancer. « C’est un grand thème médiatique, il y a une surmédiatisation et une perception exagérée des statistiques. La hausse n’est pas proportionnelle aux fortes réactions, qui se reflètent dans les baromètres municipaux » estime-t-il. « Ada Colau a une image libertaire, donc les habitants lui mettent sur le dos qu’elle est désorganisée ».
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