L’Espagne va voter pendant que la Catalogne accueillera la sentence du procès qui pourrait envoyer les dirigeants indépendantistes derrière les barreaux pendant de longues années. Une situation clairement à risque.

Le blocage politique espagnol devient structurel. Le pays n’a pas connu une majorité parlementaire ni un gouvernement stable depuis 2015. La gauche a gagné en nombre de députés les élections législatives d’avril dernier. Mais en Espagne, pour investir un Premier ministre et son gouvernement, il faut dégager une majorité au parlement. Or, les 123 élus socialistes et les 42 de la gauche radicale Podemos n’ont pas su, n’ont pas voulu, se mettre d’accord pour former une coalition. Le socialisme en Espagne représente historiquement la gauche au pouvoir. Le PS reste réticent à faire entrer le loup Podemos dans la bergerie institutionnelle. Une mésentente qui s’achève, comme le prévoit la Constitution, en cas de non formation de gouvernement, sur la convocation de législatives anticipées. En l’espèce le 10 novembre prochain, quatrième scrutin du genre en quatre ans.

Souffre

Une rencontre électorale sous fond, une nouvelle fois, de crise indépendantiste en Catalogne. Fait historique : la campagne se déroulera au moment même où le tribunal Suprême livrera sa sentence dans le procès judiciaire de la déclaration d’indépendance. Le gouvernement Puigdemont et les leaders associatifs risquent une peine de prison comprise entre 17 et 25 ans. Une décision de justice qui va forcément jouer un rôle majeur dans la campagne électorale.


Lire aussi : Élections législatives anticipées en Espagne le 10 novembre


A Madrid on chauffe les moteurs de la répression. Albert Rivera et Pablo Casado, respectivement chefs de Ciutadans et du Partido Popular, les droites espagnoles, demandent la plus grande sévérité en Catalogne. Ciutadans réclame dès à présent la mise sous tutelle politique et institutionnelle de la Catalogne via l’article 155 de la Constitution. « Pourquoi pas? » a répondu hier matin le socialiste Pedro Sanchez. « Si le gouvernement catalan malmène la constitution espagnole lors de la sentence du procès, nous appliquerons le 155 » a lâché comme argument électoral Sanchez.

Une nouvelle équation qui fait exploser la stratégie de modération de la gauche indépendantiste (ERC). Le parti, dont le président Oriol Junqueras est en prison pour la déclaration d’indépendance, tente depuis deux ans de lisser son image auprès du gouvernement espagnol. ERC a même tenté de faire la médiation entre les socialistes et Podemos pour investir Pedro Sanchez Premier ministre. Dans un pays traumatisé par les faits d’octobre 2017, ERC semble inconsciente de l’odeur de souffre que répand à Madrid tout parti indépendantiste, qu’il se veuille modéré ou musclé.

Incendie

« Pourquoi dites-vous que vous êtes de gauche, alors que vous voulez séparer la riche Catalogne des régions plus pauvres du pays » a lancé Pedro Sanchez au porte-parole d’ERC mercredi lors d’une séance parlementaire.

independance de la Catalogne

Pedro Sanchez et Gabriel Rufian porte-parole de ERC

Si Pedro Sanchez attaque si fortement, ERC c’est, d’une part, pour répondre aux débordements que va engendrer la réponse de la rue catalane à la sentence judiciaire début octobre. D’autre part, les socialistes ont besoin de gagner la législative sur les circonscriptions catalanes. La Catalogne est l’une des provinces électorales de l’État espagnol qui envoie le plus grand nombre de parlementaires: 44 et majoritairement de gauche. Historiquement, les socialistes n’ont jamais pu gouverner l’Espagne sans arriver en tête en Catalogne. De fait le PS est en concurrence directe avec ERC qui a le vent en poupe dans les sondages catalans. Les socialistes ont peur d’être emportés par une vague indépendantiste le 10 novembre en réponse à la sentence du procès.

Terre brûlée

ERC va avoir du mal à ne pas déborder de son lit de la modération. A l’énoncé de la sentence, le président catalan Quim Torra, Carles Puigdemont, la puissante association ANC, les réseaux sociaux vont appeler à la révolte citoyenne contre l’Etat. En pleine campagne électorale, il sera difficile pour ERC de ne pas suivre le mouvement, au risque de se voir affublé de trahison, le mot mortel du dictionnaire indépendantiste catalan. Une campagne électorale ayant un effet multiplicateur des émotions et une simplification des solutions, la situation institutionnelle et dans la rue risque d’être plus tendue que certains ne l’imaginaient il y a quelques semaines.

Avec le risque du Brexit le 31 octobre conjugué aux tensions catalanes, Pedro Sanchez réclame aux Espagnols une large majorité pour apporter la stabilité dont le pays a besoin. Les trois droites, conservatrice (Partido Popular), libérale (Ciutadans) et extrême (Vox), sont en embuscade pour former une coalition si les résultats le permettent.

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