Arrivé en tête des élections législatives d’avril dernier, le Premier ministre par intérim Pedro Sanchez tente à partir d’aujourd’hui de valider son poste et de rester chef du gouvernement espagnol pendant les quatre prochaines années.
Pour rester à la tête du gouvernement, le leader socialiste a besoin d’obtenir la confiance du parlement espagnol. Pedro Sanchez peut bien sûr compter sur les 123 députés socialistes obtenus lors des législatives du mois d’avril, mais doit trouver un accord avec la gauche radicale de Podemos pour former un gouvernement de coalition, une première depuis le rétablissement de la démocratie espagnole en 1978.
Depuis fin avril, les socialistes et Podemos jouent au jeu du chat et de la souris dans les couloirs du parlement espagnol. Podemos veut de grands ministères, les socialistes, dont l’ADN est historiquement centriste, préféreraient une influence minimale de la gauche alternative. La semaine dernière en direct sur la télévision espagnole, Sanchez a dégainé l’argument préféré de la classe politique madrilène : le conflit catalan. A l’automne, le tribunal suprême rendra son verdict du procès de la déclaration d’indépendance ,qui peut accoucher de peines de prison allant de 17 à 25 ans pour le gouvernement Puigdemont. Dans son interview télévisée, Pedro Sanchez s’est interrogé à voix haute: « si le gouvernement espagnol doit prendre des mesures fortes cet automne comme par exemple suspendre le gouvernement catalan de Quim Torra s’il entrait en rébellion après la sentence, comment réagirait Pablo Iglesias [NDRL: le leader de Podemos] s’il était ministre? ». Et le socialiste de répondre lui-même quelques instants plus tard : « je n’ai pas confiance, Pablo Iglesias ne peut pas être membre du gouvernement ».
Le parti de gauche radicale est furieux, mais à la surprise générale, Iglesias accepte le véto socialiste et fait un pas de côté. En monnaie d’échange, le sacrifié veut réussir à faire entrer au gouvernement la numéro 2 du parti : Irene Montero, dans la vie civile compagne de Pablo Iglesias.
Indépendantisme catalan décaféiné
Les autres partenaires de fortune de Pedro Sanchez semblent plus facile à négocier. Comme toujours, les nationalistes basques offriront leurs voix en échange de nouvelles compétences pour leur région. L’indépendantisme catalan décaféiné pourrait cette fois-ci donner son feu vert à Pedro Sanchez sans aucune contrepartie. L’investiture du socialiste se décide depuis la prison de Lledoners, et il semblerait que les prisonniers soient dans l’optique d’accepter une amnistie qui pourrait les libérer de prison. Seul un gouvernement de gauche pourra offrir ce ticket de sortie aux leaders incarcérés. Une position qui n’est pas partagée par tous les secteurs de l’indépendantisme. Vicent Partal, le très influent directeur du journal Vilaweb se demandait ce matin dans un édito si les leaders en prison étaient vraiment les mieux à même de mener les négociations pour investir le gouvernement espagnol.
Programme
Dans son discours commencé à midi, Sánchez a défini les priorités de son gouvernement. Fixer un montant des dépenses en matières d’éducation invariablement à 5% du PIB. Le socialiste veut mettre en place les conditions d’une révolution numérique; renforcer l’égalité réelle et effective entre les femmes et les hommes; lutter contre les inégalités sociales qui sont l’héritage de la crise économique;
Concernant la crise territoriale, Pedro Sanchez a souligné son intention de renforcer « une Espagne unie et diversifiée ». Il a mis en garde, se référant au processus d’indépendance en Catalogne, qu’il n’y a pas de sens à « mettre les frontières intérieures ». « Cela va à l’encontre de l’histoire ».
Cet après-midi et demain matin, les différents groupes parlementaires interviendront. Au terme de ces échanges, le premier scrutin aura lieu mardi après-midi. Pedro Sanchez ne pourra pas le remporter car dans tous les cas de figure, il ne disposera pas de la majorité absolue. L’option d’investiture la plus plausible se tiendra jeudi car le candidat n’aura alors besoin que de la majorité simple de la chambre : plus de oui que de non. Avec Podemos, les Basques et les Catalans, le compte y serait donc.