Palais du XIVe siècle en plein cœur du quartier gothique de Barcelone, la Casa dels Canonges est l’aile ouest du Palau de la Generalitat. Officiellement, c’est la résidence des présidents de la Catalogne.
Le président Francesc Macià y est mort un jour de Noël 1933. Le président Companys y a vécu pendant qu’il déclarait la République catalane en 1934. Le président Tarradellas y résida à son retour d’exil après la dictature franquiste en 1978. Carles Puigdemont y a logé sous haute sécurité policière pendant une dizaine de jours avant la déclaration d’indépendance d’octobre 2017.
La Casa dels Canonges, Maison des Chanoines en français, fait partie d’un groupe de maisons résidentielles situées près de la cathédrale de Barcelone, entre les rues Bisbe, Pietat et Paradís, où des moines ayant quitté le cloître s’étaient installés il y a plus de six cents ans, d’où son nom. Un groupe de maisons sert de résidence au président catalan et un autre au siège du ministère catalan des affaires étrangères fondé par Raül Romeva en 2015.
L’entrée principale est au numéro 4 de la rue Bisbe. Mais la Casa dels Canonges a également un autre accès, depuis le Palau de la Generalitat, via un pont construit en 1928 pour relier les deux bâtiments.
La maison s’étend sur 400 mètres carrés habitables, distribués sur trois niveaux. Au rez-de-chaussée se trouve le bureau du président, encore aujourd’hui au style de l’époque années 30 de Francesc Macià. Au premier étage, une salle de réunion et, de l’autre côté du couloir, la salle à manger avec un petit canapé et une table ronde, dans laquelle le président peut manger rapidement. Au deuxième étage se trouvent les deux chambres de la maison. L’une est la suite du président. L’étage supérieur est un espace ouvert et lumineux. Il y a l’ancienne salle de musique avec un piano à queue Steinway datant de 1956. Des petits sièges sont disposés ainsi qu’une table ronde où des déjeuners plus formels peuvent être organisés. Tout en haut, on peut entendre les cloches de la cathédrale de Barcelone.
Une équipe de dix personnes, dirigée par Gaietà Enrich, discrète chef de la résidence, gère le personnel en charge du nettoyage, de la cuisine et des services généraux. « La maison est organisée comme si le président et sa famille vivaient ici, il n’y a pas de surprises, ils peuvent venir quand ils veulent » expliquait Enrich au journal la Vanguardia en 2015.
Époque moderne
Tarradellas, le premier président catalan de retour après la chute de la dictature, a dû se retirer de la Casa sur demande expresse du nouveau président élu Jordi Pujol en 1981. Ce dernier n’a toutefois pas résidé dans la maison durant les 20 ans de sa longue présidence mais dans son appartement barcelonais de la Ronda du General Mitre. En revanche Pujol y recevait certains chefs du gouvernement espagnol et des personnalités politiques internationales de premier plan.
Le successeur de Jordi Pujol, le socialiste Pasqual Maragall ne résida pas non plus dans la Casa dels Canonges mais a profité des lieux pour célébrer en 2006 la fin de son mandat à la Casa. Le tout Barcelone politique, institutionnel, religieux, et les ministres catalans ont été invités à célébrer des agapes avec les mets délicieux sortis des cuisines.
Le second socialiste à présider la Generalitat, Jose Montilla de 2006 à 2010, ne logea pas dans la résidence officielle mais dans sa maison de San Joan Desvern, banlieue ultra-chic de Barcelone. Montilla a utilisé la Casa pour se réunir d’une manière institutionnelle avec des acteurs de la ville. C’est lors d’un déjeuner à la Casa dels Canonges que Montilla et son équipe se sont réconciliés avec le journal La Vanguardia qui entretenait alors une relation orageuse avec la Generalitat.
En 2011 arrivait au Palau Artur Mas, qui lui aussi a préféré demeurer dans son appartement de la Carrer Tuset de Barcelone. Mas a dormi à la Casa dels Canonges la nuit où il a signé le décret de convocation de la consultation indépendantiste du 9 novembre 2014, le premier référendum.
Justement avec les jours traumatiques d’octobre 2017, la Casa dels Canonges est devenue la résidence permanente de Carles Puigdemont. De janvier 2016 à octobre 2017, le président Puigdemont passait aléatoirement quelques nuits dans la résidence et utilisait les espaces comme lieu de travail. Tous les autres soirs, il rentrait dormir dans sa grande maison située près de Gérone. Mais pour des raisons de sécurité, à partir du 19 octobre, soit 8 jours avant la déclaration d’indépendance, le président Puigdemont a dû se résoudre à quitter sa confortable villa pour s’installer dans la Casa. Le bâtiment était alors surveillé jour et nuit par le GEI, les forces d’élite des Mossos d’Esquadra comparables au GIGN français.
Avec l’application de l’article 155 et de l’exil de Carles Puigdemont, la Casa dels Canonges n’a jamais revu de locataire. Le nouveau président Quim Torra n’y habite pas, d’autant plus que Carles Puigdemont a demandé à l’actuel président de ne pas utiliser son bureau officiel du Palau de la Generalitat. Symboliquement Carles Puigdemont reste ainsi le président légitime de la Catalogne.