Manuel Valls et Ada Colau : un mariage illégitime à Barcelone

Manuel Valls ambitionne une alliance contre nature en permettant qu’Ada Colau effectue un second mandat. Passage en revue de tout ce qui sépare les deux responsables politiques.  

Dimanche 26 mai peu avant minuit, en larmes, Ada Colau félicitait Ernest Maragall pour sa victoire à la mairie de Barcelone. Au terme d’un dépouillement interminable, l’indépendantiste gagne le scrutin avec 5.000 voix d’avance sur la maire sortante. Quasiment à égalité, Colau et Maragall auront 10 conseillers municipaux chacun dans le consistoire qui se formera le 15 juin prochain.

Un résultat serré sur lequel s’est empressé de sauter Manuel Valls afin de redorer son image. Franchement battu avec 13% des voix et 6 conseillers, Manuel Valls propose d’investir pour un second mandat Ada Colau afin de faire barrage à l’indépendantisme avec l’aide des 8 élus socialistes. Officiellement Manuel Valls ne demande rien en échange de son soutien qui n’a pour but que de placer un cordon sanitaire autour du candidat indépendantiste. Cependant en politique, rien n’est jamais gratuit, et avec ses conseillers municipaux Manuel Valls pourra faire et défaire des majorités si Colau accepte cette offre dantesque.

Pour le moment, Ada Colau ne dit pas non. Après avoir expliqué sur tous les tons qu’Ada Colau avait ruiné, terni, abîmé Barcelone, Manuel Valls, qui se présentait comme le rempart face au populisme de gauche radicale, joue à présent le faiseur de roi. Un remake de l’épisode post-primaire socialiste en 2017, où jusqu’au soir du vote, Manuel Valls a affirmé qu’il appuierait son compétiteur Benoît Hamon si celui-ci gagnait. Quelques semaines plus tard, après avoir perdu la primaire de gauche et à la surprise générale, Manuel Valls soutenait officiellement Emmanuel Macron contre Benoît Hamon.

Macroniste de la dernière heure, Manuel Valls a toujours revendiqué son rôle de fossoyeur de la gauche. Il plaida dès 2012 pour que son parti ne porte plus le nom de socialiste.  Pour sa candidature barcelonaise, Manuel Valls a trouvé naturellement une chambre dans l’auberge libérale Ciutadans, parti pactisant avec l’extrême-droite en Andalousie. Un positionnement que tout oppose à Ada Colau qui se définit comme la gardienne du temple des valeurs de gauche et progressiste en Catalogne.

Immigration

Un des marqueurs de Manuel Valls sur le terrain des valeurs du progressisme est le rapport à l’immigration. Au ministère de l’Intérieur Manuel Valls a cultivé son image de doublure de Nicolas Sarkozy, afin de satisfaire un électorat toujours plus tenté par les mesures de Marine Le Pen. « Les Roms ont vocation à rentrer chez eux, l’Islam est un problème en France », les saillies de Manuel Valls l’ont isolé au sein de la gauche française, et provoqué des inquiétudes dans le parti d’Emmanuel Macron chez lequel Valls a tenté d’obtenir l’asile sans succès.

Sur les questions identitaires, Ada Colau pense exactement l’inverse, elle qui a décrété Barcelone comme ville refuge pour les réfugiés du monde entier.

mairie de barcelone

Manuel Valls et Ada Colau : deux politiques que tout oppose

Dans la politique locale, Ada Colau et Manuel Valls sont également aux antipodes. Manuel Valls n’a jamais eu de mots assez durs contre l’indépendance de la Catalogne, une folie qui pourrait conduire à la guerre civile, selon les mots de l’ancien ministre français.

De son côté, même si elle s’est opposée à la déclaration d’indépendance du 27 octobre, Ada Colau voyait dans le processus indépendantiste un exercice du droit à l’auto-détermination des peuples. Une opinion qu’il faudra conjuguer au passé si Ada Colau accepte les voix des socialistes et des amis de Manuel Valls pour effectuer un second mandat.

Pendant 4 ans, l’habileté de Colau consistait à faire cohabiter toutes les nuances de gauche radicale au sein de sa formation politique « En Commun ». Un attelage disparate qui abrite des secteurs indépendantistes et d’autres beaucoup plus connectés avec Madrid. C’est justement pour cela que Colau hésite. Pactiser avec les indépendantistes et diriger la ville en coalition avec Ernest Maragall est clairement un franchissement de ligne blanche pour les écologistes d’ICV. Ce courant, l’un des plus puissants au sein d’En Comú, demande de placer un cordon sanitaire autour du nationalisme catalan et de poursuivre la mise en place de politiques progressistes pour Barcelone. Quitte à accepter les votes de Manuel Valls.

A l’opposé, la garde rapprochée du premier mandat d’Ada Colau, Jaume Assens, Gerard Pisarello, Gala Pin sont plutôt « indépendantistes friendly ». Pour Gala Pin pactiser avec Manuel Valls serait une folie, comme l’actuelle maire adjointe de Ciutat Vella écrivait sur Twitter la semaine dernière.

Dans le fonctionnement d’un mouvement comme les « Comuns », c’est la militance qui aura le dernier mot. Vendredi Ada Colau devrait proposer trois options à ses militants qui par la suite voteront. Rester maire avec les votes socialistes et Manuel Valls; occuper le second plan dans une mairie indépendantiste dirigée par Ernest Maragall, ou ni l’un ni l’autre, rester dans l’opposition et laisser Ernest Maragall devenir maire de Barcelone. Logiquement, Ada Colau donnera sa préférence personnelle quand elle proposera vendredi les différentes options.

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