Ada Colau brigue un second mandat à la mairie de Barcelone. Retour sur les quatre dernières années et le bilan de l’équipe Colau.
La gestion de la maire sortante obtient une note de 4 sur une échelle allant jusqu’à 10.
Sécurité à Barcelone : 0/10
Un des plus gros points noirs du mandat d’Ada Colau. La sécurité n’a jamais été un grand souci en Espagne, mais pour la première fois l’insécurité est devenue la préoccupation majeure des Barcelonais selon le baromètre municipal paru en début d’année. La dégradation du climat à Barcelone est un conglomérat de facteurs de différentes sources.
L’irruption du terrorisme dans la capitale catalane en août 2017 demande depuis une forte présence des Mossos d’Esquadra autour des bâtiments sensibles, ainsi que des moyens dans la recherche et prévention. Autant d’agents de police qui ne sont plus dédiés aux tâches de délinquance ordinaire. La baisse du nombre de patrouilles de Mossos d’Esquadra est flagrante dans les rues de Barcelone. Selon les syndicats, il manque 2000 policiers en Catalogne, il n’y a pas eu de nouvelles promotions depuis 7 ans. Ada Colau n’en est en rien responsable, puisque les Mossos sont une compétence exclusive de la Generalitat.
En revanche, les 3000 agents de la Guardia Urbana, la police municipale de Barcelone sont sous la direction directe du conseil municipal. “On voudrait que la mairie nous fasse confiance” confie à Equinox Valentín Anadón, porte-parole du syndicat majoritaire de la police municipale. Le consistoire intervient souvent dans les différentes opérations de police municipale toujours dans un esprit de laxisme, s’agace le syndicaliste.
Le mandat d’Ada Colau a commencé en 2015 avec un message de relâchement dans la lutte contre les Top-Mantas, ces vendeurs à la sauvette qui envahissent les rues de la capitale catalane pour vendre des objets de contrefaçon. La police a été invitée à une certaine tolérance par les nouveaux chefs de la gauche radicale de la mairie. Le mandat de Colau s’achève avec l’annonce de la dissolution de la brigade anti-émeutes de la Guardia Urbana. Le corps d’élite de la police barcelonaise qui avait sécurisé la Rambla et pourchassé les terroristes dans le marché de la Boqueria le 17 août 2017.
La gestion des « narco-pisos », ces appartements, principalement situés dans le Raval, transformés en supermarchés d’héroïne, a achevé de ruiner le bilan des années Colau en matière de sécurité. Frappé par la crise économique et immobilière, le Raval entre 2015 et 2017, s’est vidé de ses habitants qui en ont été expulsés par les banques car ne pouvant plus payer leurs hypothèques. Des centaines d’appartements inoccupés qui ont été pris d’assaut par des mafias afin de les transformer en salles de shoot, drainant avec eux une vague de criminalité dans le secteur. Les équipes Colau ont regardé passivement et dubitativement le phénomène préférant accuser la Generalitat, les banques et les agences immobilières, que d’agir avec les ressources policières et juridiques dont dispose la mairie.
Devant ce fiasco, et face à l’absence de propositions pour rétablir l’ordre, Ada Colau obtient une note de 0 dans son bilan en matière de sécurité.
Logement : 4/10
Ada Colau est devenue un personnage médiatique en tant que porte-parole de l’association pour le droit à l’habitat (PAH), c’est dire si en la matière les attentes étaient hautes une fois Colau devenue maire. Le bilan est mitigé. C’est la crise économique et sa vague d’expulsion locative qui ont ouvert en grande partie les portes de la Mairie à Ada Colau en 2015. La candidate n’avait alors pas de mots assez durs contre le maire centriste Xavier Trias accusé par Colau de laisser à l’abandon 80.000 appartements vides dans la capitale catalane. Pour régler le problème du logement la candidate Ada promettait 4000 logements sociaux. Loin du compte, la maire Colau n’en construira que 800.
En revanche , elle a réussi à appliquer deux mesures phares. Le conseil municipal a lancé l’entreprise publique-privée qui doit construire des logements locatifs à Barcelone et contraint les promoteurs à affecter 30% des nouvelles promotions à des logements sociaux.
Dans son plan 2016-2025, la municipalité a également prévu la création de 18.500 logements sociaux pour arriver à un total de 30.000, soit 4% du parc immobilier. On est encore loin des 18% de logements sociaux existant à Paris.
Si elle n’a pas réussi à totalement endiguer le fléau des appartements touristiques, qui en plus des nuisances générées pour le voisinage, réduit drastiquement l’offre locative dans certains quartiers, c’est la seconde mesure phare d’Ada Colau qui a mis un coup d’arrêt à la location sauvage et sans licence. Elle a obtenu de plusieurs plate-formes qu’elles retirent les annonces non légales et les inspections régulières ont permis la fermeture de plusieurs centaines d’appartements touristiques non déclarés. Les particuliers qui louent leur logement aux touristes sans licence sont désormais passibles d’une amende de 60.000 euros.
Devant la rareté de logement sociaux à Barcelone et la non application de la promesse de campagne, nous analysons qu’Ada Colau possède une responsabilité partielle dans la flambée des prix des loyers à Barcelone. Beaucoup d’habitants de la ville doivent partir vivre en banlieue. En revanche Colau se démarque dans la gestion des appartement touristiques par rapport à d’autres villes et ses mesures pour les logements sociaux auront un impact dans le futur. La note par conséquent est 4/10 : une certaine ambition mais peut mieux faire.
Pollution : 5/10
Barcelone dépasse depuis 2010 les limites de pollution établies par l’Union européenne et l’OMS. Ada Colau n’a pas réussi pendant son mandat à inverser la courbe.
La mesure principale pour lutter contre la pollution prise par la mairesse: l’interdiction des véhicules polluants à partir de l’année prochaine, soit 50.000 véhicules et 7% du trafic. La deuxième phase de l’interdiction devrait sortir 125.000 véhicules polluants de Barcelone en 2024.
Par ailleurs, Ada Colau stimule les déplacements en vélo avec un renouvellement de la flotte de bicing et la création de 204 kilomètres de pistes cyclables, un peu moins que les 300 prévus en début de mandat. En revanche, elle avait insisté sur une promesse de campagne difficilement tenable et donc non tenue : expulser les croisières du port de Barcelone.
Ada Colau est une maire au profil écologiste et de bonne volonté. Cependant les résultats de la qualité de l’air restent mauvais. Nous avons donc choisi une note de 5 sur 10.
Tourisme : 7/10
L’une des mesures les plus controversées du mandat est l’interdiction d’ouvrir de nouveaux hôtels dans une grande partie de la ville et de limiter une croissance annuelle maximale de 11.500 chambres (actuellement 74.000). La mesure, inscrite dans le plan d’urbanisme spécial de l’hébergement touristique (Peuat), approuvée définitivement en janvier 2017 après un an et demi de suspension totale des licences, vise à décentraliser l’offre afin de réduire la pression dans les quartiers plus fréquentés.
Ada Colau a également tenté de réduire la taille des terrasses de Barcelone. Une action déjà commencée sous l’ère Xavier Trias en 2011. Sous la pression des commerces et d’une partie de la clientèle, la mairie a dû faire marche arrière.
L’opération sur les appartements touristiques comme décrit plus haut est plutôt positive. Ada Colau vient de marquer un point en décrétant la fermeture des boites de nuits du bord de plage, source permanente de bruits, trafics de drogue, prostitution et délinquance. Une mesure qui reste à rendre effective en juin.
On peut regretter que l’équipe d’Ada Colau ait plus d’une fois sombré dans les propos tourismophobes et que les mesures prises n’aillent pas plus loin. Cependant le bilan en la matière est plutôt correct et nous attribuons une note de 7 sur 10.
Métro de Barcelone : 0/10
Le conflit dans les Transports métropolitains de Barcelone (TMB) a été une constante tout au long du mandat. La négociation de la convention collective, avec douze grèves de lundi consécutives en 2017, et ensuite la crise de l’amiante qui a déjà provoqué six jours d’arrêt de travail en 2019.
La mauvaise gestion réalisée en présence de matières cancérogènes dans les wagons et les banlieues a conduit au limogeage du directeur du réseau métropolitain, Marc Grau, à la fin de l’année dernière.
L’entreprise publique prévoit d’acquérir 42 trains pour remplacer ceux qui contiennent de l’amiante et envisage de nettoyer toutes les gares et les ateliers, mais les syndicats ne sont pas satisfaits.
Une crise sans précédent dans la relation entre la mairie et la TMB qui colle la mairesse avec un 0 sur 10.
Bicing : 8/10
La mairie a implanté un nouveau système de Bicing en avril dernier. Plus de vélos électriques, un système plus moderne et fluide. La création de 204 kilomètres de pistes cyclables, un peu moins que les 300 prévus en début de mandat.
Cependant pendant toute la durée du mandat, le réseau bicing était vétuste et bourré de bugs. Un 8 sur 10 est donné à Colau pour sa gestion.
Urbanisme : 7/10
Colau a réussi à débloquer deux dossiers qui étaient coincés durant l’époque de Xavier Trias : les travaux de Glories et l’aménagement de la voie public autour de la Sagrada Familia. On regrette cependant que Colau ne soit pas une mairesse bâtisseuse et n’a ordonné aucune construction majeure nouvelle durant son mandat.
Un 7 sur 10 pour un bilan plutôt correct.
Relations politiques : 0/10
Ada Colau politiquement parlant est une mairesse sectaire. Gouvernant la ville en minorité avec 11 conseillers, durant 4 ans, Colau n’a réussi à passer aucune alliance ni avec les 18 conseillers indépendantistes de gauche, de droite et d’extrême-gauche qui ont formé une majorité dans l’opposition. Naturellement les 8 conseillers de droite se sont opposés tout le mandat. Seule une alliance a été brièvement passée pendant quelques mois avec les socialistes avant d’exploser suite à la déclaration d’indépendance de la Catalogne et de la suspension du gouvernement catalan. D’ailleurs sur le sujet indépendantiste en 48 mois, Colau n’a jamais été claire sur la question. Les relations avec la Generalitat ont par conséquent été très fraîches ces quatre dernières années.
Pour s’être isolée et refusant tout dialogue politique Ada Colau reçoit un 0 sur 10.
Pauvreté : 5/10
15,3% des habitants de Barcelone vivaient en 2017 sous le seuil de pauvreté, 1,6 point de moins qu’en 2016. Malgré l’augmentation du coût du logement, la situation économique s’est améliorée ces dernières années, bien que les niveaux d’avant la crise ne se soient pas encore rétablis.
Par ailleurs, Barcelone n’a pas réussi à réduire le nombre de sans-abris. En 2015, le décompte de la Fondation Arrels estimait à 892 le nombre de SDF hommes et femmes qui passaient la nuit dans la rue, chiffre qui a grimpé à 1026 en 2017. L’année suivante, une légère diminution (956) et 2019 devrait dépasser les 1000. À ce calcul, il faut ajouter les citoyens qui survivent dans les campements de casernes et d’entrepôts et ceux qui passent la nuit dans des foyers municipaux ou dans une entité sociale quelconque. Au total, 3600 personnes sont sans abri à Barcelone.
Un bilan contrasté auquel nous attribuons un 5 sur 10.
Relations internationales 10/10
Ada Colau, avant de prendre le pouvoir, a été accusée par ses adversaires de mettre en péril les grands événements internationaux de Barcelone. Le World Mobile Congress était sur la liste mais est encore à Barcelone, Ada Colau a bien géré chaque année le WMC durant son mandat. Facebook a installé dans la Torre Glòries son centre anti-fake news. D’autres grandes entreprises ont continué à s’installer malgré les incertitudes catalanes. Colau tout au long de son mandat a maintenu de bonnes relations avec la maire de Paris Anne Hidalgo, ainsi qu’avec ses homologues d’Athènes, Londres, Milan et New-York.
Un bilan excellent qui vaut un 10 sur 10 à Colau.