Malgré des sondages peu favorables et quelques déceptions, les équipes de Manuel Valls croient encore en la victoire de leur candidat aux municipales du 26 mai.
« Si je n’y croyais pas, je ne ferais pas campagne! » lâche en riant une fidèle du candidat à la sortie d’une énième conférence de presse. Pourtant, peu sont ceux qui parient encore sur une victoire de l’ex-Premier ministre français, revenu dans sa ville natale en septembre dernier pour briguer la mairie. « Ce n’est pas impossible… mais assez compliqué » résume le très prudent Gabriel Colomé, professeur de sciences politiques à l’Université de Barcelone.
Manuel Valls, accueilli en superstar lors de la crise indépendantiste de 2017, a beaucoup moins convaincu depuis l’annonce de sa candidature en automne 2018. Il a raté son pari de rassembler autour de lui toutes les forces unionistes, obtenant uniquement le soutien de Ciudadanos et de quelques petites formations catalanes. Sa liste est finalement « moins spectaculaire que prévue » selon le politologue qui souligne que peu de grands noms des secteurs économiques ou culturels l’ont rejoint. « Ce n’est clairement pas ce dont il avait rêvé au départ » ajoute Iñaki Ellakuria, journaliste politique au quotidien La Vanguardia.
Invariablement donné quatrième dans les sondages, derrière la gauche radicale de maire actuelle Ada Colau (En Comú), la gauche indépendantiste d’Ernest Maragall (ERC) et les socialistes menés par Jaume Collboni, Manuel Valls compte encore créer la surprise.
D’ailleurs, les sondages, on n’y croit pas du tout dans l’équipe du candidat. « Je pense qu’ils se trompent, il y a une vraie demande de changement » assure l’écrivaine Nuria Amat, proche du candidat et des milieux culturels barcelonais. « Nous avons un très bon accueil quand nous visitons les quartiers » glisse un autre membre du cercle rapproché. Les sondages se sont en effet souvent révélés peu fiables en Espagne mais permettent quand même de donner une tendance. Alors l’équipe de Manuel Valls explique miser également sur le tiers d’électeurs encore indécis.
Le vote utile
Arrivé en rempart contre l’indépendantisme, le candidat s’est aussi positionné tout au long de la campagne comme l’anti-Ada Colau, faisant notamment de la lutte contre l’insécurité son cheval de bataille. Or selon le dernier baromètre municipal, la sécurité est devenue la première préoccupation des Barcelonais. Narco-appartements, vols, vendeurs illégaux, Manuel Valls est allé dans les quartiers les plus touchés pour promettre des mesures musclées, devenant le candidat incarnant un retour à la sécurité et au bien vivre-ensemble.
L’ex-Premier ministre rassure aussi les milieux économiques, effarés à l’idée de voir l’ancienne activiste Ada Colau rempiler pour un second mandat, ou pire, l’indépendantiste de gauche Ernest Maragall. « Manuel Valls est le seul candidat crédible pour combattre ces deux formes de populisme » assure Nuria Amat.
Le débat entre Manuel Valls et Ada Colau organisé le mois dernier sur la chaîne de télévision nationale La Sexta a placé le Français en opposant numéro 1 de la mairesse. « Cela lui a rendu un grand service! » reconnait Iñaki Ellakuria. Plus crédible que le candidat du Parti Populaire, novice en politique, plus énergique que les socialistes sur les thèmes de sécurité et de séparatisme, Valls espère rassembler à la fois les électeurs de droite, ceux du centre et les unionistes exaspérés par une crise politique qui n’en finit plus.
La division des adversaires
Dès l’automne dernier, le plan était clair au siège de campagne du Passeig de Gràcia : il faut arriver premier du scrutin et obliger les autres forces unionistes à le soutenir pour former une majorité. Avec Valls en tête, les socialistes et le Parti Populaire auraient peu d’arguments pour ne pas le rejoindre, nous expliquait-on alors. Selon les enquêtes d’opinion, les forces unionistes sont loin de dégager une majorité, mais si l’ex-Premier ministre arrive premier et qu’aucune majorité alternative n’est formée, il pourra gouverner en minorité.
Et Valls mise justement sur les profonds désaccords entre ses adversaires, qui selon lui seront incapables de s’entendre et lui laisseront ainsi le champ libre. « Sa seule et unique chance, c’est effectivement d’arriver premier, et cela me paraît aujourd’hui très peu probable » indique le politologue Gabriel Colomé.
Selon le chercheur Ivan Serrano, qui a analysé les sondages selon leur date de publication et le nombre de personnes interrogées pour le journal El Periódico, Manuel Valls obtiendrait 6 sièges au conseil municipal, assez loin, donc, derrière Ernest Maragall (11), Ada Colau (10) et Jaume Collboni (8), et très loin d’une majorité absolue de 21 sièges.