Depuis vendredi soir les propos d’Elsa Artadi, candidate à la mairie de Barcelone, ont enflammé le monde politique indépendantiste.
« Quand Ernest Maragall a commencé à travailler à la mairie de Barcelone, non seulement je n’étais pas née mais mes parents n’étaient même pas mariés, dire qu’il a 76 ans c’est une évidence, et dire qu’ il ne représente pas le futur, c’est une autre évidence ». Vendredi, dans une interview publiée par Equinox, Elsa Artadi la candidate du parti de Carles Puigdemont à la mairie de Barcelone a attaqué violemment le favori des sondages : l’indépendantiste de gauche Ernest Maragall.
Il y a encore quelques mois, Artadi et Maragall étaient collègues au sein de la Generalitat, l’une porte-parole du gouvernement catalan et l’autre ministre des Affaires étrangères. Ils partagent le même idéal indépendantiste, mais pas le même parti. Elsa Artadi est candidate pour les centristes de Carles Puigdemont (Junts Per Catalunya) et Ernest Maragall pour la gauche républicaine (ERC).
Rivalité
Les tensions entre Junts Per Catalunya et ERC sont récurrentes et fréquentes, les deux mouvements se bataillent pour être le référent du monde indépendantiste. Une rivalité chronique qui dure depuis 2011. Artur Mas, alors président de la Generalitat, était le leader de l’indépendantisme, Oriol Junqueras président d’ERC rongeait son frein.
En 2015, avec la feuille de route débouchant sur la déclaration d’indépendance, le successeur d’Artur Mas, Carles Puigdemont, partage le pouvoir avec Junqueras devenu vice-président. Malgré l’unité de façade, les partis de Puigdemont et Junqueras se tiraient la bourre en coulisses pendant les deux années qui ont précédé le référendum du 1er octobre 2017.
Après la déclaration d’indépendance, Junqueras est parti en prison, Puigdemont en exil. Pourtant la rivalité continua, les deux hommes se présentant chacun sur une candidature différente pour la présidence de la Catalogne. Le 21 décembre 2017 c’est Carles Puigdemont qui remporta l’élection et les deux partis ont formé une coalition pour diriger la Catalogne.
Barcelone sous tension
La campagne de cette élection municipale avait pourtant commencé sur un étonnant mode de non-agression. Sur Equinox, fin mars Ernest Maragall n’a dit que du bien d’Elsa Artadi qu’il considérait comme une personne « très capable, aussi bien personnellement que politiquement ». Quelques jours plus tard, lors de la soirée des 8 ans d’Equinox à la Casa Fuster, l’équipe d’Elsa Artadi a demandé à celle d’Ernest Maragall de s’afficher ensemble, pour démontrer officiellement une pleine symbiose.
A quelques jours de l’élection qui aura lieu fin de semaine prochaine, les sondages sont flatteurs pour Ernest Maragall qui se voit possible maire, seul candidat crédible face à Ada Colau. Plus compliqué pour Elsa Artadi qui est reléguée à la quatrième ou cinquième place dans les enquêtes, des fois même derrière Manuel Valls. La stratégie d’Artadi semble consister à affaiblir le candidat Maragall en insistant sur son âge afin de réduire l’écart entre les deux indépendantistes.
A peine diffusée sur Equinox, l’interview d’Artadi est reprise par l’ensemble de la presse et des agences catalanes. Le très progressiste journal Ara obtient vendredi soir en « off » une réaction des équipes de campagne de Maragall. Les dirigeants républicains sont très contrariés par le ton d’Artadi écrit le quotidien, mais assurent qu’ils ne répondront pas, car il n’est pas bon électoralement d’entrer dans un corps à corps indépendantiste.
Tout au long du week-end, Elsa Artadi continue à se montrer très sévère contre Ernest Maragall, qu’elle ne trouve pas assez indépendantiste et trop négociateur avec « l’État répressif espagnol » selon la candidate Puigdemontiste. Ce matin, la Vanguardia sort un éditorial au vitriol en reprenant l’interview d’Elsa Artadi sur Equinox et des citations en cascade de déclarations mal aimables que se sont échangés tout au long du week-end les dirigeants d’ERC et Junts Per Catalunya.
S’en était trop pour Ernest Maragall qui finalement a commenté aujourd’hui les déclarations d’Elsa Artadi, sortant du silence qu’il s’était lui-même imposé. Lors d’une conférence de presse, Maragall s’est estimé surpris, déçu par la violence gratuite d’Elsa Artadi. Du coup, dans le jeu des alliances post-électorales, Maragall n’envisage plus de pactiser avec Elsa Artadi pour diriger Barcelone. Ni avec Ada Colau d’ailleurs. Le Républicain demande à ce que, si il arrive en tête de l’élection, on le laisse gouverner en solitaire.
Par ailleurs, le candidat effectivement âgé de 76 ans s’est affiché tout le week-end en faisant du sport, du football et une partie de ping-pong avec le président du parlement pour démontrer qu’il est en pleine forme.