Figure historique du parti socialiste espagnol, Alfredo Pérez Rubalcaba est mort ce vendredi 10 mai des suites d’un accident vasculaire cérébral. Il avait 67 ans.
Alfredo Pérez Rubalcaba fait partie de ces personnages politiques ayant travaillé pour rendre l’Espagne démocratique après la dictature franquiste, en évoluant dans les arcanes du pouvoir au début des années 80 jusqu’à nos jours. Alors professeur titulaire de chimie organique au département du même nom à l’Université Complutense de Madrid, Rubalcaba pense surtout à la politique. Il s’engage au Parti Socialiste Espagnol en 1974, alors que le mouvement était interdit par la dictature franquiste. A la mort du général Franco, le parti sera légalisé et accédera au pouvoir en 1981. Rubalcaba suivra l’ascendance de son parti en devenant Secrétaire général à l’Éducation du ministère de l’Éducation et de la Science. Il prendra la tête de ce ministère en 1992.
Rubalcaba prend du grade en devenant quelques semaines plus tard le porte-parole du gouvernement. Un poste médiatique qui lui permet de devenir connu du plus grand nombre. Une chausse-trape aussi où le porte-parole doit répondre aux incessantes questions de la presse sur le scandale des groupes antiterroristes de libération (GAL). Pour éradiquer le terrorisme basque, véritable fléau de l’époque en Espagne, le gouvernement de Felipe González a utilisé des méthodes ultra-violentes, en allant jusqu’à commanditer illégalement des assassinats de terroristes via la police espagnole. Bien qu’ultra-influent dans les sphères socialistes, Rubalcaba niera toute implication personnelle.
Corruption, affaire du GAL, le gouvernement de Felipe González est en fin de règne. Après quinze ans de pouvoir ininterrompu, le parti socialiste est envoyé dans l’opposition en 1996.
Drame
Huit ans de gouvernements conservateurs plus tard, Alfredo Pérez Rubalcaba prononcera dix mots qui changeront l’histoire politique du pays : « Les Espagnols méritent un gouvernement qui ne leur ment pas ».
Nous sommes le 13 mars 2004 et l’Espagne pleure ses morts, après l’un des attentats les plus sanglants du pays: l’explosion de la gare d’Atocha de Madrid. A la veille des élections législatives, où la droite était largement donnée gagnante, le gouvernement conservateur de José-Maria Aznar a accusé faussement les terroristes basques d’avoir causé la tuerie. Les services de renseignements espagnols savaient que l’attentat était l’oeuvre d’islamistes, en représailles de l’implication espagnole dans la guerre du Golfe. La présence espagnole en Irak était particulièrement impopulaire et avait fait descendre un million d’Espagnols dans la rue. Il était plus facile pour José-Maria Aznar de pointer du doigt les Basques, plutôt qu’une conséquence de sa guerre. Rubalcaba avait gardé d’excellents réseaux au sein de la police, il recevait les informations en temps réel et les transmettait à ses amis journalistes, d’où la diatribe : « Les Espagnols méritent un gouvernement qui ne leur ment pas ».
Victoire
Résultat: le socialiste inconnu du grand public, José Luis Zapatero gagne les élections et devient le Premier ministre. Le chef de campagne Rubalcaba tentera d’expliquer par la suite que même sans les attentats, Zapetero aurait remporté le scrutin.
Récompensé, le 7 avril 2006, Alfredo Pérez Rubalcaba revient au gouvernement, en qualité de ministre de l’Intérieur. Il est alors en charge du nouveau cessez-le-feu proclamé par les terroristes basques, mais qui prendra fin huit mois plus tard lors d’un attentat à l’aéroport de Madrid-Barajas.
Défaite
Il deviendra numéro deux de l’exécutif en occupant la vice-présidence du gouvernement.
En 2010, le gouvernement socialiste s’écroule sous le poids de la crise économique. Acculé, Zapatero convoque des élections anticipées. La gestion de la crise par les socialistes est critiquée par tout le pays et le parti n’a aucune chance de victoire.
Nul ne veut être candidat pour les socialistes alors Rubalcaba se porte volontaire. Lors du scrutin, le PSOE ne remporte que 28,7 % des voix et 110 députés, soit un recul de 59 sièges, alors que la droite, avec 44,6 % des suffrages, parvient à franchir la majorité absolue.
A la tête de l’opposition, Rubalcaba voit sa carrière définitivement achevée le 26 mai 2014, au lendemain de la défaite historique des socialistes lors des élections européennes.