Élections législatives : le flou indépendantiste catalan

Avec ses dirigeants et candidats en prison ou en exil, la campagne électorale des indépendantistes catalans fut une nouvelle fois singulière. Que faire d’une victoire est également une question qui n’est pas encore tranchée. 

ERC, la gauche républicaine indépendantiste, est représentée par son président en prison Oriol Junqueras. Vice-président de la Generalitat en 2017, lors de la déclaration d’indépendance, Junqueras est actuellement jugé à Madrid et pourrait purger une peine de 25 ans de prison pour avoir déroulé une feuille de route devant conduire la Catalogne vers une république souveraine.

Candidat, Oriol Junqueras ne pourra pas siéger, mais le symbole de sa candidature derrière les barreaux a rythmé la campagne du parti centenaire. Le visuel de la campagne affiche un Oriol Junqueras déchiré par le mot « liberté ». Plusieurs interprétations sont possibles. Tel un martyr, le corps de Junqueras est déchiré par l’incarcération au nom de la liberté du peuple catalan, supposément censuré par l’Espagne. Ou à l’inverse un vote favorable pourrait déchirer la peine de prison de Junqueras et lui rendre sa liberté. Au moins dans les urnes.

L’indépendance en pause

Pour cette législative, ERC ne réclame pas l’indépendance de la Catalogne. En privé comme en public, les responsables du parti expliquent qu’ils faciliteront l’investiture du socialiste Pedro Sanchez, sans rien réclamer en échange. Bloquer un éventuel gouvernement de coalition droite -extrême droite est le seul objectif de la victoire d’ERC.

De fait, l’indépendance est en pause. Mais pas la stratégie d’ERC. Conscient qu’il est difficile d’imposer l’indépendance avec seulement 48% des voix, la doctrine Junqueras consiste à élargir la base sociale et sociétale du souverainisme catalan. Traduction : séduire les urbains, les latinos-américains et les Européens peu enclins au séparatisme en proposant des mesures visant à améliorer le quotidiens des citoyens.

Pour cette législative, ERC propose une batterie de mesures : encadrer le prix des loyers, légaliser l’euthanasie, reconnaître les médecines naturelles, interdire la vente d’armes à l’Arabie Saoudite, mieux accueillir les réfugiés. Concernant le dossier catalan, on lit dans le programme une timide “défense du droit des citoyens de Catalogne à exercer leur droit à l’autodétermination par référendum”.

Le parti de Carles Puigdemont dans le flou

Le parti jumeau -mais concurrent- d’ERC présente lui aussi son candidat depuis la prison : l’activiste Jordi Sanchez poursuivi dans l’affaire de la déclaration d’indépendance avec une peine de 16 ans de réclusion comme épée de Damoclès.

Junts Per Catalunya (ensemble pour la Catalogne JxC) est le descendant de Convergencia, le parti de centre-droit catalan un temps dirigé par Artur Mas. Pris d’assaut par Carles Puigdemont, JxC a purgé tous les membres modérés du mouvement pour mettre en avant les profils indépendantistes les plus déterminés comme l’ancienne ministre catalane de la culture Laura Borras. Au début de la campagne JxC se présentait pour créer un nouveau conflit catalano-espagnol. Mais au fil des jours, d’une manière difficile à comprendre, JxC s’est aligné sur ERC pour affirmer que le parti de Puigdemont était lui aussi prêt à investir Pedro Sanchez sans condition aucune. Jusqu’ici il y avait deux théories : élargir la base en y allant tranquillement (ERC) ou aller réclamer l’indépendance à grands cris à Madrid (Junts Per Catalunya). Aujourd’hui les deux partis proposant la même chose, le vote utile risque de pencher vers ERC donné grand favori dans les sondages.

Dans son programme électoral, JcX propose une décentralisation d’un certain nombre de compétences vers le gouvernement de Catalogne en matière d’impôts, de santé ou d’aides sociales. Pour solutionner le conflit catalan, le parti de Carles Puigdemont propose une relation bilatérale entre l’Espagne et la Catalogne.

Extrême-gauche

La nouveauté pourrait surgir à l’extrême-gauche. La Cup ne se présente pas à cette élection, l’ultra-gauche estimant qu’il n’y a aucune cohérence à faire de la politique en Espagne, pays considéré comme étranger.

En revanche, trois des organisation proches de la Cup (Poble Lliure, Som Alternativa y Piratas de Cataluña) ont décidé d’y aller en créant la plate-forme Front Républicain. L’ancien responsable catalan de Podemos Albano Dante Fachin en est la tête de liste. Pour cette mouvance, l’objectif est clair : bloquer la politique espagnole au parlement national, surtout si aucune majorité claire ne se dégage des élections et que le vote du ou des parlementaires du Front Républicain sont nécessaires.

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