Décédée à l’âge de 34 ans, Simone Weil est l’une des plus grandes philosophes du XXe siècle. Au cours de sa vie étonnante, rythmée par ses engagements à contre-courant, la Française passa deux fois par Barcelone.
Encore aujourd’hui, les essais de la philosophe et écrivaine française sont lus avec la plus grande attention. Simone Weil est née à Paris en 1909 au sein d’une famille juive. Élève du philosophe Alain, elle sera agrégée de l’École Normale Supérieure en 1931. Elle enseigne en province, période durant laquelle elle s’engage dans les courants syndicalistes. Ainsi, elle se rendra une première fois à Barcelone en 1933, en raison de ses contacts avec les cercles anarcho-syndicalistes. Elle assistera à une corrida et visitera le cabaret La Criolla dans le quartier du Raval.
Un an plus tard, elle décide d’arrêter sa carrière pour travailler dans les usines Alstom et Renault. À travers sa démarche, elle souhaite comprendre la vie ouvrière et dénoncer l’inhumanité du travail à la chaîne. Toujours pour avancer dans sa réflexion, elle s’engage dans la guerre d’Espagne en 1936.
« Barcelone et ses rues heureuses »
Au mois d’août, Simone Weil se rend dans la capitale catalane. Elle souhaite s’infiltrer dans la zone franquiste pour trouver Joaquín Maurín, leader du Parti ouvrier d’unification marxiste, en vain. Une photo de Simon Weil, vêtue d’une combinaison bleue, témoigne notamment de son passage sur la Rambla. Elle rejoint alors la colonne Durruti, célèbre colonne des combattants anarchistes et part pour le front en Aragon. Mais son séjour est écourté le 25 septembre 1936 suite à une brûlure au pied. Elle est évacuée à Barcelone, puis rentrera en France.
Dans son cahier de notes, Le journal d’Espagne, elle raconte son expérience en Catalogne et en Aragon. « On croirait difficilement que Barcelone est la capitale d’une région en pleine guerre civile. Quand on a connu Barcelone en temps de paix, et qu’on débarque à la gare, on n’a pas l’impression d’un changement. On sort de la gare de Barcelone comme un touriste quelconque, on déambule le long de ces rues heureuses » raconte-t-elle lors de son arrivée.
« Les cafés sont ouverts, quoique moins fréquentés que d’habitude; les magasins aussi. La monnaie joue toujours le même rôle. S’il n’y avait pas si peu de police et tant de gamins avec des fusils, on ne remarquerait rien du tout. (…) Rien n’est changé, effectivement, sauf une petite chose : le pouvoir est au peuple. Les hommes en bleu commandent. C’est à présent une de ces périodes extraordinaires, qui jusqu’ici n’ont pas duré, où ceux qui ont toujours obéi prennent les responsabilités. » nuance-t-elle.
Après une expérience d’un mois et demi pendant la guerre d’Espagne, elle reste convaincue qu’aucun des deux camps n’acceptera de paix négociée, que chacun a perdu son idéal sans s’en rendre compte.
Durant la Seconde Guerre mondiale, elle émigre aux États-Unis avec ses parents, avant d’aller à Londres pour rejoindre la France Libre du général de Gaulle. Atteinte de tuberculose, elle décède à Ashford en août 1943, à seulement 34 ans.
Leslie Singla