C’était en 1936 : María Luz Morales, journaliste et écrivaine, prenait la tête de La Vanguardia. Elle devint la première femme directrice d’un journal national en Espagne. Et la seule jusqu’à aujourd’hui à la direction du journal catalan. Portrait.
A en croire les chiffres, accéder à des postes à responsabilités s’avère toujours aussi difficile pour les femmes en 2019. En Espagne, la grève féministe du 8 mars dernier dénonçait l’inégalité entre les hommes et les femmes ainsi que la précarité. Les femmes journalistes avaient même organisé un rassemblement à Barcelone. Peu sont à la tête de journaux dans le pays. À La Vanguardia, une seule fut directrice: María Luz Morales, entre 1936 et 1937.
Née à La Coruña en 1890, elle grandit à Barcelone. Après un diplôme de Philosophie et Lettres, elle décide de devenir écrivain afin de pouvoir exercer le journalisme. À cette époque, les femmes signaient des articles dans des magazines, mais n’étaient pas journalistes comme aujourd’hui. Elle fait ses premiers pas dans le domaine en 1921, en dirigeant El hogar y la moda, place qu’elle obtient à l’issu d’un concours. Elle en sera responsable pendant cinq ans. En 1923, elle envoie des essais sur le théâtre à La Vanguardia, qui l’embauche l’année suivante à la critique cinématographique. Elle était la seule femme de la rédaction.
Une femme avant-gardiste
Son talent lui vaut d’autres emplois en parallèle, pour Paramount Pictures ou le journal madrilène El Sol. En 1931, elle préside la Résidence Internationale des Jeunes Étudiantes. En 1936, la Generalitat décrète la saisie de plusieurs journaux dont La Vanguardia. Ce dernier est sous contrôle d’un comité ouvrier CNT-UGT créé le 19 juillet 1936. Le 8 août, après la fuite du directeur de l’époque Agustí Calvet, le comité nomme María Luz Morales directrice. La Barcelonaise accepte, à condition que ce poste soit provisoire. Elle affirme également qu’elle fera uniquement du journalisme en ce qui concerne la politique. María Luz Morales sera directrice quelques mois jusqu’en 1937, avant de redevenir journaliste.
Dès la victoire de Franco en 1939, le régime entame une purge à La Vanguardia. María Luz Morales sera dénoncée un an plus tard pour avoir dirigée le quotidien catalan et emprisonnée quarante jours dans un couvent de Sarrià. Malgré tout, elle continue d’écrire et publie différentes nouvelles. C’est seulement en 1978 qu’elle sera réhabilitée comme journaliste. Elle écrira pour le Diario de Barcelona jusqu’à sa mort en 1980. Passionnée, l’écriture aura guidé toute la vie de María Luz Morales.
Leslie Singla