L’histoire des langues régionales en France face au français, idiome officiel de la République.
Lorsque un Français arrive à Barcelone, il est souvent surpris d’entendre les Catalans déplorer que leur langue est en danger de mort. 95,1% des habitants de Catalogne comprennent leur langue locale et seulement 36,3% de la population l’utilise comme langue principale. Cependant, pour un Français, le Catalan apparaît comme une langue vivante présente sur l’affichage de la voie publique, utilisée par l’administration locale ou encore exclusive pour certains médias.
Il suffit de traverser la frontière des Pyrénées pour remarquer qu’à Perpignan, pourtant territoire de la Catalogne Nord, la langue catalane est devenue résiduelle.
Ce n’est pas un hasard. L’État français a mené une féroce politique afin de faire disparaître ses langues régionales. On évoque souvent le « jacobinisme » du nom d’un club influent post-révolution française pour expliquer la centralisation radicale de l’État français. Mais la sacralisation de la langue française est antérieure.
Parler, penser, raisonner français
En novembre 1628, Richelieu écrase les Anglais dans la bataille de La Rochelle. Un conflit anglo-protestant contre le roi de France, qui s’est achevé par une claire victoire de Paris. Comme l’écrit avec justesse Éric Zemmour dans son ouvrage Destin français: « Cette victoire de Richelieu redonna à la France son rôle central en Europe, à partir de maintenant on parlera français, on pensera français, on raisonnera français ».
À cette époque, 40% de la population française parlait une langue aujourd’hui minoritaire: la langue d’oc au sud, les langues d’oïl au nord, le picard, le normand ou le gallois. Pour faire disparaître ces idiomes accusés de nuire à l’unité de la France, l’administration a d’abord découpé les territoires afin d’en éliminer l’identité historique. Par exemple, Nantes fut exclue de la région Bretagne. En 1700, Louis XIV ira jusqu’à dicter un décret prohibant la langue catalane.
De fait, le français devint exclusivement la langue de l’administration, des institutions et de l’armée. L’école publique obligatoire de Jules Ferry finira par imposer la langue française dans toutes les couches de la société.
Renaissance
Lors de l’après-guerre, des initiatives sont timidement prises pour le retour des langues locales. En 1951, la loi Deixonne introduit à dose homéopathique dans les écoles l’enseignement des langues et dialectes locaux. En 1969 est créée la première école associative: Ikastola d’Iparralde avec l’immersion de la langue locale au pays basque. En Bretagne ça sera l’école Diwan et pour l’occitan les écoles Calandretes. Sur le même concept, la Bressola ouvrira ses portes à Ponteilla près de Perpignan en 1976 pour favoriser l’immersion linguistique du catalan.
Si ces initiatives permettent un léger essor des langues locales, les deux grandes survivantes restent le corse et l’alsacien avec respectivement 42 et 43 % de locuteurs. Cependant, la barrière générationnelle augure un futur compliqué pour ces deux langues. En Alsace, 91% des habitants utilisent l’alsacien avec leurs grands-parents contre 39% avec leurs enfants. À l’ouest, la moyenne d’âge des usagers de la langue bretonne est de 71 ans.
L’espoir des défenseurs des langues locales se trouve en Europe. La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est un traité proposé sous l’égide du Conseil de l’Europe et adopté en 1992 par son Assemblée parlementaire, destiné à protéger et favoriser les langues historiques régionales. Problème: l’État français traîne des pieds pour mettre en place cette charte. L’Assemblée nationale a adopté en janvier 2014 un amendement constitutionnel permettant la ratification du traité, il s’agissait d’une promesse de campagne de François Hollande.
Le texte est finalement rejeté par le Sénat le 27 octobre 2015 et a actuellement disparu de la circulation.