Les prisonniers indépendantistes quittent la Catalogne, direction Madrid. Focus sur les conditions dans lesquelles aura lieu le plus grand procès de l’histoire de l’Espagne moderne.
Les ex-dirigeants séparatistes sont sortis entre 5h et 7h ce matin des prisons de Lledoners pour les hommes, d’Alcalá Meco et Mas d’Enric pour les femmes.
Les deux responsables associatifs Jordi Sanchez et Jordi Cuixart, l’ex-présidente du parlement Carme Forcadell, et sept des anciens ministres du gouvernement Puigdemont ont été conduits par les Mossos d’Esquadra aux centres pénitentiaires de transition Brian 2. Ici la Guardia Civil a emmené vers 9h30 les prévenus, direction Madrid, où ils seront incarcérés le temps de leur procès. L’itinéraire exact du déplacement et les horaires sont maintenus sous la discrétion exclusive du ministère de l’Intérieur espagnol pour des raisons de sécurité.
Au petit matin, des manifestants indépendantistes réunis à la prison de Mas d’Enric se sont opposés aux forces de l’ordre, qui ont chargé la foule, faisant au moins un blessé. Plusieurs centaines de personnes se sont aussi donné rendez-vous à la prison de Brian, dont le président catalan Quim Torra et plusieurs députés régionaux.
Les prisonniers masculins sont envoyés à Soto del Real, l’une des prisons les plus dangereuses du pays, bien que les responsables politiques seront confinés dans un quartier dit « VIP ». Les responsables associatifs Jordi Sanchez et Jordi Cuixart ont passé leurs premiers mois d’incarcération dans cet établissement pénitentiaire. Sanchez a d’ailleurs été témoin d’une violente agression au couteau entre détenus rivaux.
Ce déménagement pour la majorité des prévenus est le troisième. En 2017, Oriol Junqueras, Joaquim Forn, Raül Romeva, Jordi Turull et Josep Rull, les anciens ministres du gouvernement catalan, étaient détenus près de Madrid à Estremera, dans des conditions assez difficiles si l’on en croit Forn qui a publié un livre pour raconter sa vie derrière les barreaux. Carme Forcadell et Dolors Bassa étaient à Meco dans la banlieue madrilène où elles retournent au terme du transfert.
Pendant l’été 2018, le ministre de l’Intérieur, conformément à la loi, a accepté que les détenus partent dans une prison catalane afin d’être plus proches de leur famille. Pour le procès qui devrait durer entre 2 et 3 mois, les mis en cause doivent nécessairement être à Madrid, siège du Tribunal Suprême.
Conditions difficiles
Une détention durant le procès dénoncée par les avocats de la défense. Selon eux, les accusés ne pourront pas être dans des conditions physiques et intellectuelles optimales pour répondre aux questions de la partie adverse. Le Tribunal Suprême a refusé la mise en liberté des accusés en raison, selon les juges, du fort risque de fuite. La chambre juridique a pris en exemple Carles Puigdemont qui continue sa carrière politique depuis Bruxelles et pourrait inciter ses anciens ministres à le rejoindre.
Il est vrai que les conditions quotidiennes du procès qui se tiendra pendant de longues semaines sera lourd pour les mis en cause. Même si, craignant pour son image internationale, l’institution juridique a allégé au maximum les procédures.
Les audiences se tiendront du mardi au jeudi. Chaque matin d’audience à 7h, les inculpés devront avoir rangé et nettoyé leurs cellules. Ensuite, pour gagner du temps, le groupe indépendantiste ne passera pas au réfectoire pour le petit-déjeuner, mais le prendra directement au département « entrées et libertés » de la prison qui gère les transferts vers le Palais de Justice.
Le Tribunal suprême se trouve à une trentaine de kilomètres du centre pénitentiaire. Aléatoirement, les prisonniers seront conduits menottés dans un fourgon ou dans une voiture de la Guardia Civil. Le transfert dans un véhicule dit de tourisme est forcément le plus confortable. Dans les fourgons et camionnettes, menottés dans le dos, les anciens ministres, lors de précédents transferts pour l’audience préliminaires se sont plaints de vertiges et nausées.
Le choc des images
La grande priorité pour le Tribunal Suprême est qu’il n’y ait aucune image choc des anciens ministres arrivant menottés à l’audience. Les prévenus seront démenottés avant le passage devant des caméras.
Dans le même ordre d’idée, le tribunal a demandé aux juges, greffiers, et personnel juridique de ne pas prendre les repas du midi en extérieur, afin d’éviter les allées et venues devant les caméras qui camperont devant l’entrée du Suprême.
Les pauses du midi étaient une des grandes angoisses des accusés, de leurs familles et des avocats. Normalement quand un prévenu arrive pour passer devant les juges, il est directement placé dans les geôles de l’Audiencia Nacional qui se trouve à quelques pas du Tribunal suprême. Un lieu où les détenus écrivent des messages sur les murs avec leurs propres excréments raconte dans son livre l’ancien ministre Joaquim Forn. Ensuite, les prévenus passent devant l’audience, retournent en geôle pour manger un sandwich en guise de déjeuner et repassent devant les juges l’après-midi.
Des conditions très rudes auquelles échapperont les responsables catalans. Le Tribunal suprême a préféré aménager une salle spéciale pour les inculpés dans l’enceinte de ses propres locaux pour les pauses et repas du midi. Le soir, selon l’heure à laquelle s’achèveront les audiences, les mis en examen mangeront dans cette fameuse salle ou directement dans leur prison après y avoir été conduits par la Guardia Civil.
Le plus grand procès de l’histoire de l’Espagne
Les jours où il n’y aura pas d’audience, les lundis, vendredis, samedis et dimanches, les Catalans seront soumis au même régime que les autres prisonniers. Le temps libre sera utilisé pour préparer les futures sessions avec les avocats de la défense.
L’ouverture du procès est une étape cruciale qui s’ouvre pour ces hommes et ces femmes incarcérés préventivement depuis maintenant plus d’une année entière. La majorité d’entre eux est persuadée que le procès est déjà joué d’avance et veut transformer le banc des accusés en tribune médiatique. Les deux ou trois mois de procès seront télévisés et retransmis en direct sur la chaîne catalane publique TV3. L’objectif sera de dénoncer publiquement les supposées failles de l’État démocratique espagnol et de réussir à obtenir un écho le plus international possible.
Equinox met en place un dispositif exceptionnel afin de suivre, en français, les résumés du plus grand procès de l’histoire espagnole.